En juin 1939, Franklin D. Roosevelt et sa femme Eleanor ont reçu le couple royal britannique, George VI et Élisabeth. Témoin privilégié de la rencontre: Daisy Suckley. Bill Murray et Laura Linney parlent de ce week-end à la campagne, de la relation particulière entre un président et sa discrète confidente. Et de leur métier.

Derrière un flegme d'apparence, il y a toujours une lueur amusée dans le regard de Bill Murray quand il s'adresse à la presse. Il y a davantage de sérieux dans celui de Laura Linney, qui perce sous les sourcils légèrement froncés. Ils participaient, plus tôt cette année pendant le Festival de Toronto, à une conférence de presse destinée à promouvoir leur nouveau film, Hyde Park on Hudson de Roger Michell (Notting Hill). Le premier y incarne le président Franklin D. Roosevelt et la seconde, Daisy Suckley, confidente discrète en qui le président avait une totale confiance et pour qui il a même fondé la première bibliothèque présidentielle - dont elle était l'unique employée.

«Les seules photos existantes de FDR en fauteuil roulant ont été prises par Daisy. C'est dire à quel point il était à l'aise avec elle», indique le dramaturge Richard Nelson, qui signe le scénario de cette tranche de vie mettant en présence un président dans sa maison de campagne et la cousine éloignée (on parle de sixième degré) vivant à proximité. Platonique ou pas, leur relation a duré des années. Mais sa véritable importance est restée secrète jusqu'à la mort de Daisy, en 1991, à presque 100 ans. Une valise a été trouvée sous son lit; elle contenait ses journaux intimes, dont certaines pages avaient été arrachées, ainsi que des lettres qu'elle avait écrites au président et d'autres que Roosevelt lui avait envoyées.

«Il lui a fait part de secrets d'État, il lui a confié des choses qu'il n'avait dites à personne, explique le réalisateur Roger Michell. Cette femme était une chambre forte.» Et c'est à travers son regard tranquille qu'est présenté, dans Hyde Park on Hudson, l'historique passage du couple royal britannique chez le couple présidentiel américain.

Rencontre à la campagne

Nous sommes en juin 1939. Le roi d'Angleterre, le mal-aimé George VI, dit Bertie, a succédé à son aîné, Édouard, après qu'il eut abdiqué par amour pour Wallis Simpson, américaine et divorcée. Le roi bègue succède à la figure éminemment romantique qu'est son frère. Il n'a pas l'appui de ses sujets, et il le sait. Comment, dans cette situation, savoir comment agir alors que les bottes nazies grondent de l'autre côté de la Manche? S'il a le soutien du gouvernement américain, peut-être que...

Bertie (Samuel West) et Élisabeth (Olivia Colman) arrivent ainsi à la maison de campagne de FDR et Eleanor (Olivia Williams). «Roosevelt a été assez intelligent pour traiter Bertie pour ce qu'il était, un premier violon, et non pour ce que la presse britannique disait de lui», explique Bill Murray. Selon lui, ce week-end n'est pas étranger au fait que, deux mois plus tard, George VI livrait un discours historique annonçant que la Grande-Bretagne entrait en guerre contre l'Allemagne.

Pour se préparer au rôle de FDR - qu'il connaissait «surtout à travers l'admiration que [ses] parents, comme tous les gens pauvres ou de la classe moyenne, lui portaient» -, l'acteur assure avoir beaucoup lu. Puis, il ajoute avec humour: «C'est ce qu'il faut dire, non? Mais, dans les faits, je suis très paresseux et je ne fais presque rien.» Il affirme par ailleurs que Roosevelt n'aurait jamais été élu aujourd'hui, non seulement à cause de ses relations avec les femmes - ses infidélités auraient été révélées aux masses -, mais aussi en raison de son handicap (la polio l'a cloué dans un fauteuil roulant à l'âge de 39 ans).

Plus de liberté

Laura Linney, elle, s'est sentie plus libre dans la peau de Daisy, «puisque personne, vraiment, ne la connaissait». «J'ai lu, moi aussi, et incarner une personne qui a vraiment existé vient toujours avec une pression énorme. Mais votre responsabilité, en tant qu'acteur, va à la trame narrative de l'histoire. Vous êtes à son service», affirme celle qui a été trois fois en nomination aux Oscars. «Ç'a été chaque fois pour des petits films et ç'a été très agréable. Il est tellement rare que vous fassiez quelque chose dont vous êtes fier, encore plus rare que ce quelque chose soit vu, et encore plus rarissime que ce quelque chose soit récompensé! Le simple fait de jouer dans un bon film est, en soi, une raison de célébrer», conclut-elle avec son franc-parler habituel.

Mais comme Bill Murray, nommé pour son rôle dans Lost in Translation de Sofia Coppola, elle n'a pas remporté la statuette dorée.

«La différence, pour moi, c'est que les gens pensent que je l'ai gagnée. Je ne les démens pas», dit Bill Murray en rigolant.

Malgré ses incursions dans des longs métrages plus dramatiques, l'acteur demeure fidèle à la comédie, dont il connaît l'importance. «Si je me sens déprimé, je ne me dis pas: «Tiens, je vais regarder Shawshank Redemption, je me sentirai mieux après.» Non, je retourne à Charlie Chaplin. Mais bon, habituellement, vous ne gagnez pas de prix en faisant rire.»

Et il n'y a pas un gramme de ressentiment dans ces mots. Seulement le constat de quelqu'un qui célébrera bientôt ses 40 ans de carrière.

Hyde Park on Hudson (Week-end royal) prend l'affiche le 14 décembre.