Réalisateur du film De père en flic, Émile Gaudreault tourne actuellement une version française, et réécrite, de son grand succès où des pères et des fils se disent les vraies affaires au coeur de la nature. Et la nature, dans ce nouvel opus intitulé Père fils thérapie, ce sont les magnifiques gorges du Verdon. La Presse a visité le plateau.

Ce jour-là, pour accéder au plateau de tournage de la comédie Père fils thérapie, il fallait franchir un vieux pont dont les arches de pierre étaient chatouillées par les eaux turquoise du Verdon. Celles-ci coulaient dans un grondement sourd et vindicatif s'apparentant à celui du torrent.

L'énergie brute de la rivière collait parfaitement à la scène se déroulant à quelques dizaines de mètres des berges. Là, au pied d'une falaise verticale de dix bons mètres de hauteur, dix hommes, cinq pères, cinq fils s'échinaient à faire de l'escalade sous la supervision d'une thérapeute attentionnée.

Cette singulière équipée dans la nature était loin d'avoir une vocation purement sportive ou écologique. Elle avait pour but de faire sortir le méchant, comme on dit au Québec, et de permettre à ces cinq duos père-fils de se vider le coeur.

Ça vous rappelle quelque chose? Eh oui! Père fils thérapie est un proche parent de De père en flic que le réalisateur Émile Gaudreault (Le sens de l'humour, Mambo Italiano) a tourné au Québec et dont il signe maintenant un scénario pour la France.

Gaudreault assure qu'il n'aurait pas voulu refaire le même film. Depuis deux ans, il a écrit et réécrit de nouvelles versions adaptées à des acteurs français et québécois possédant des énergies différentes de celles des comédiens ayant joué dans son film original. Il a remplacé le thérapeute mâle par une femme. Il a ajouté des scènes.

Quant au décor naturel, il constitue une plus-value certaine à l'histoire de ce duo de policiers père et fils qui, incapables de se sentir, doivent tout de même faire équipe et s'inscrire dans une thérapie filiale pour traquer un avocat véreux.

Comme au Colorado

Situées en Haute-Provence, les gorges du Verdon sont des massifs de calcaire rocheux dont les très visibles couches stratifiées s'empilent sur des centaines de mètres de hauteur. Ici et là, proche des sommets, s'accroche une végétation rachitique.

Les montagnes sont acérées. Les parois sont vertigineuses. Lorsque les nuages traversent le ciel, ils y projettent des ombres titanesques dont le mouvement renforce l'impression d'écrasement qui nous entoure.

Et là-bas, tout au fond, comme un grand serpent vert indifférent à tout ce spectacle de fin (ou de commencement?) du monde, le Verdon coule vers le sud-ouest pour aller se jeter dans la Durance. L'écho du bruit de ses eaux rebondit sur les parois rocheuses et se fait entendre de très loin.

Évoquant les lieux, Émile Gaudreault émet deux points d'étonnement, l'un géographique et l'autre... cinématographique.

«Cet endroit m'a épaté, lance-t-il alors que sur le plateau, on prépare une scène de cascade corsée. Je ne savais pas qu'il y avait ici, dans le sud de la France, des paysages ressemblant à ceux du Colorado. Lorsqu'on regarde dans les contre-bas, on dirait parfois le Grand Canyon. J'ai été soufflé.»

«Avec toute cette roche, cette terre, le décor me fait vraiment penser à un western, dit pour sa part le directeur photo Ronald Plante (Monsieur Lazhar, Jappeloup, Les invincibles). En plus, nous tournons en format CinémaScope, ce qui fait très western.»

Quant à l'étonnement cinématographique de M. Gaudreault, il vient du fait que peu de films français ont été tournés dans les gorges du Verdon. «Plusieurs techniciens du plateau n'étaient jamais venus dans la région», dit-il.

Même constat du comédien Richard Berry, qui interprète Jacques, rôle principal du film (Michel Côté au Québec). «Je n'avais jamais tourné dans les gorges du Verdon. Et je suis assez étonné de savoir que si peu de films ont été tournés ici, car le décor est très intéressant», dit-il en entrevue.

Énergies différentes

Richard Berry est l'exemple parfait des acteurs avec des énergies différentes évoqués par Émile Gaudreault. Selon lui, ce Jacques réinventé sera davantage marqué par son égocentrisme et son côté tirant toujours vers lui la couverture, alors que celui défendu par Michel Côté avait davantage de testostérone.

Il en va de même avec les autres acteurs de la nouvelle distribution. Aux côtés de Richard Berry, on retrouve Waly Dia dans le rôle de Marc (Louis-José Houde au Québec), Jacques Gamblin dans le rôle de Charles, l'avocat (Rémy Girard), Baptiste Lorber dans celui de Fabrice (Tim, incarné par Patrick Drolet) et Julie Ferrier en psychologue (Robin Aubert au Québec).

«Je suis conscient que le succès du premier film reposait sur le talent des acteurs et c'était un immense défi d'en trouver de nouveaux pour cette version française», dit M. Gaudreault qui avait coécrit le scénario original avec Ian Lauzon.

Le travail de casting a été long, mais le résultat le satisfait. De plus, avant le tournage, il a été en mesure de mener durant un mois des répétitions avec les comédiens.

«Nous avons travaillé sur toutes les scènes, on échangeait, on trouvait des angles neufs. Avec pour résultat que les acteurs se sont approprié ces personnages qui avaient été écrits pour des comédiens québécois. Ça leur a permis de se détacher du scénario original.»

Travail en extérieur

Ceux qui ont vu De père en flic savent que le film comporte une flopée de scènes extérieures. Pères et fils luttent dans la boue, font du trekking, de l'escalade, du canot, dorment dans un camp de base sous la tente, etc. C'est aussi le cas ici.

Au moment du passage de La Presse, on tournait la scène où le personnage de Fabrice fait une chute spectaculaire en grimpant la paroi rocheuse.

La scène que nous avons vue était surréaliste. Nous sommes arrivés au moment où Émile Gaudreault donnait ses instructions à un Baptiste Lorber patiemment accroché à une corde, les pieds posés sur le bout d'une petite échelle métallique et les mains sur la roche de la paroi. Lorber devait jouer une chute et retombait, pour les besoins du tournage, sur un grand coussin fabriqué avec des boîtes de carton liées les unes aux autres.

Après plusieurs essais non concluants, la scène a finalement été captée et mise en boîte. Puis, on a fait appel à la doublure de Lorber, un jeune cascadeur qui s'est lancé dans le vide. Les dizaines de personnes présentes sur le plateau, acteurs comme techniciens, observaient la scène avec leurs iPhone levés bien haut dans les airs pour capter ce moment magique.

Cinq acteurs québécois participent au film: Rachid Badouri et Yves Jacques (absents lors de notre passage) ainsi que Patrice Coquereau, Manuel Tadros et Charles-Alexandre Dubé.

Le tournage de Père fils thérapie, une coproduction entre Hubert de Vésinne (France), Denise Robert et Émile Gaudreault (Québec), a lieu sur huit semaines, soit deux à Marseille et six dans les splendeurs des gorges du Verdon.