Les attentats à Paris : des spectateurs tués par des tirs de Kalachnikov lors d'un concert. La guerre en Syrie : les grandes puissances - dont le Canada - qui forment une coalition. Il n'est pas toujours facile de trouver les bons mots pour expliquer aux enfants les nouvelles qui secouent notre monde. Pourtant, ils y sont tous exposés. Entrevue avec Ève Tessier-Bouchard, productrice chez Océan Télévision, qui a décidé de remédier à la situation.

Vous avez publié cette semaine deux capsules sur YouTube qui expliquent les attentats de Paris et la guerre en Syrie aux enfants. Expliquez-nous la genèse du projet.

Quand j'ai vu ce qui se passait à Paris, j'ai regardé ce que les médias québécois faisaient pour expliquer les attentats aux enfants, et je trouvais dommage de ne rien trouver. En France, des initiatives comme « Le P'tit Libé », du journal Libération, offrent du contenu explicatif aux enfants, mais ici, rien. Pourtant, les enfants en parlent entre eux, dans la cour d'école, et leurs parents en discutent sans nécessairement trouver les bons mots pour expliquer de telles horreurs.

C'est ce qui vous a poussée à vous lancer dans le projet de produire ces capsules. Étiez-vous soutenue par un diffuseur ?

Non, tout était bénévole. J'ai d'abord écrit à des amis pour leur demander s'ils avaient le goût d'embarquer avec moi. Il me fallait un preneur de son, un caméraman et [d'autres techniciens]. Les gens m'ont dit oui. On s'est donc monté une « gang » et, quatre jours plus tard, on enregistrait les capsules. Entre-temps, j'ai rencontré un professeur en géopolitique, je me suis fait expliquer la patente, ce qui m'a ensuite permis de vulgariser ça pour les enfants. La script-édition a été assurée par Fred Savard [de l'émission La soirée est (encore) jeune] et les capsules ont été réalisées par Guillaume Girard, un ancien de l'émission Frank vs Girard, diffusée à VRAK.

Comment trouve-t-on le bon ton quand on produit de l'information destinée aux enfants ?

Je me suis beaucoup interrogée là-dessus. D'abord, dans les capsules, on ne tutoie pas les enfants. C'est une marque de respect, et c'est surtout notre barrière pour ne pas devenir « gnangnan ». On a aussi souvent tendance à parler aux enfants avec des raccourcis. C'est dangereux, on peut ne pas utiliser les bons mots. Dans nos capsules, on dit « guerre civile », on utilise le mot « coalition ». On nomme les choses parce qu'on veut justement que ça fasse germer des connaissances et que la prochaine fois qu'ils entendront un concept, ils sachent ce que c'est. [...] Finalement, on ne veut pas tomber dans les bons contre les méchants. On fait des analogies qu'ils connaissent, c'est tout.

Pensez-vous que ce genre de projet pourrait être soutenu par les grands médias nationaux ?

Nos capsules ont été publiées cette semaine sur le site jeunesse de Radio-Canada. Deux heures après leur mise en ligne, nous avions déjà 4800 visionnements ! Je leur ai offert les capsules gratuitement [tout comme à La Presse+], mais on ne pourra pas refaire ça. Il y a des coûts. Mon espoir est que [les médias] en voient l'utilité et qu'ils aient envie d'aller plus loin avec ce projet. [...] C'est chouette et c'est nécessaire. Quand je regarde la une des journaux cette dernière semaine, où l'on parle notamment de la commission Charbonneau, je me dis qu'il y a là un terrain de jeu où présenter nos capsules.