Amoureux du Québec, le populaire comédien français Thierry Lhermitte jouera au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) en juin 2016, aux côtés de son partenaire au cinéma, Patrick Timsit. Dans Inconnu à cette adresse, les deux comédiens s'éloignent du registre comique pour emprunter des rôles dramatiques. Entretien avec Thierry Lhermitte.

Voir deux pointures de la comédie en France dans des rôles dramatiques sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde: ce rêve deviendra réalité en juin prochain. Thierry Lhermitte et Patrick Timsit, le duo d'acteurs d'Un Indien dans la ville, seront réunis au théâtre dans Inconnu à cette adresse, pièce qu'ils ont défendue une centaine de fois à Paris et en Europe.

Thierry Lhermitte connaît bien le Québec. Il est venu souvent en tournage ou faire la promotion de ses films aux quatre coins de la province. Son fils, Victor, est installé à Montréal avec sa jeune famille et travaille dans la restauration. Le comédien est aussi fasciné par le milieu culturel québécois. Mais il n'était jamais monté sur les planches ici.

«Je suis fou de joie de venir jouer à Montréal», dit l'acteur à La Presse, rencontré au Théâtre du Nouveau Monde juste avant les attentats du 13 novembre à Paris.

Renommé dans toute la francophonie pour ses rôles dans des comédies cultes, Lhermitte était de passage à Montréal pour promouvoir une pièce dramatique cette fois.

Inconnu à cette adresse est tirée d'une nouvelle épistolaire de l'Américaine d'origine allemande Kathrin Kressmann Taylor. Dans son texte écrit à New York en 1938, l'auteure aborde le racisme et l'antisémitisme à travers une relation épistolaire entre deux amis de longue date, propriétaires d'une galerie d'art à San Francisco.

L'un, Max, est juif américain, et joué par Patrick Timsit; l'autre, Martin, est allemand et défendu par Thierry Lhermitte. Lorsqu'en 1932, Martin quitte la Californie pour retourner vivre à Munich, les deux amis amorcent une correspondance qui durera jusqu'en 1934, en pleine montée du nazisme.

Les meilleurs ennemis

À chaque nouvelle lettre, la plume des correspondants devient plus acerbe. Lentement mais sûrement, l'idéologie fasciste s'infiltre dans leurs échanges. Leur solide amitié se diluera jusqu'à l'inimitié la plus totale. «Quand la metteure en scène, Delphine de Malherbe, m'a proposé la pièce, j'avais déjà lu le livre, explique Lhermitte. Pour Patrick et moi, ce n'est pas une histoire de contre-pied, de contre-emploi. C'est juste un bouquin exceptionnel, bouleversant.

«Mon personnage commet un drame par lâcheté, poursuit Lhermitte. Son ami se vengera en écrivant des lettres qui vont mettre Martin en danger. Ce sont deux hommes emportés par les dérives de leur époque. On comprend la réaction de l'un et de l'autre. Max et Martin ne sont pas des héros. Ils ne sont que deux hommes.»

«Franchement, Max, je crois qu'à nombre d'égards, Hitler est bon pour l'Allemagne», écrit entre autres Martin à Max qu'il dit pourtant aimer... «Cette femme, Kressmann Taylor, était visionnaire, affirme Lhermitte. Elle a imaginé la transformation de la société allemande avant le début de la guerre, et sans y avoir mis les pieds.»

Tombée dans l'oubli après la Seconde Guerre mondiale, l'oeuvre a été redécouverte au début des années 2000, puis adaptée pour le théâtre par Delphine de Malherbe.

Cela dit, le comédien ne juge personne: «La vie était juste impossible si un Allemand ne s'affichait pas nazi. C'est le propre du totalitarisme. En Allemagne, dans les années 30, la survie passait par l'adhésion au régime. Si tu étais contre, tu avais deux choix: les camps ou l'exil.

«Avec le recul, c'est dingue, mais on comprend pourquoi la majorité de la population allemande appuyait le régime nazi, ajoute l'acteur. Elle pensait qu'Hitler allait la sortir de la misère. Le führer était perçu comme un sauveur qui allait permettre aux Allemands de relever fièrement la tête. Ce qui est terrible, car l'humiliation ne devrait jamais être un moteur pour guider les peuples.»

Aujourd'hui, comme en 1934.

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Inconnu à cette adresse, au Théâtre du Nouveau Monde du 14 au 26 juin, en collaboration avec Juste pour rire.

Thierry Lhermitte sur...

L'HUMOUR À L'ÈRE 2.0

Lorsqu'on demande à Thierry Lhermitte s'il a la nostalgie de l'époque du Café de la gare et des créations collectives, il fait un plaidoyer pour une nouvelle forme d'humour. «Aujourd'hui, les humoristes sont coincés entre le politiquement correct et des gens vraiment racistes, antisémites, qui font passer leur haine pour des blagues. Entre les gens frileux et ceux qui sont malintentionnés, c'est très difficile pour un auteur de se faire une place en humour. Mais il ne faut pas s'alarmer. Chaque génération trouve des solutions pour se sortir de l'impasse. C'est ce qu'on fait avec la troupe comique du Splendid.»

LE SPLENDID

Thierry Lhermitte a suivi des cours d'art dramatique avec des copains du lycée à Neuilly. Ces copains se nommaient Michel Blanc, Gérard Jugnot et Christian Clavier. Plus tard, Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel et Bruno Moynot s'ajoutent aux quatre comédiens pour fonder la légendaire troupe du Splendid. Leur premier succès théâtral, Amour, coquillages et crustacés, sera adapté au grand écran, en 1978, sous le titre Les bronzés. «J'ai des souvenirs magnifiques de jeu, de plaisir, d'improvisation, d'écriture collective avec la troupe. L'un de mes plus beaux souvenirs, c'est la première du Père Noël est une ordure. J'adorais la pièce, mais j'étais persuadé qu'elle ferait rire seulement nos copains parce que c'est un humour décalé et deuxième degré. Or, c'est aujourd'hui une pièce et un film cultes.»

LE QUÉBEC

Vous venez souvent ici pour le travail et pour voir votre fils. Qu'est-ce que vous aimez du Québec? «J'aime le climat. [Rires] Je rigole... C'est ce que mon fils, Victor, aime répondre lorsqu'on lui demande pourquoi il s'est installé au Québec. J'aime le milieu culturel. J'ai fait des tournages et de la promotion de films dans tout le Québec, de l'Abitibi à la Gaspésie. À l'époque, je venais souvent au Festival des films du monde. Mais il n'existe plus ce festival, si?» «Non, non, il existe toujours.»