«Ô temps, suspends ton vol, et vous heures propices, suspendez votre cours.» À la sortie de Bientôt viendra la temps de Line Knutzon à l'Espace GO, on pense à ce vers de Lamartine. Dans cette comédie grinçante et absurde, l'auteure aborde justement la question du temps, ou plutôt «sa futilité et sa façon insidieuse d'user les relations humaines».

Dans le cadre de son cycle d'exploration de la nouvelle dramaturgie scandinave, le Théâtre de l'Opsis présente jusqu'à la mi-décembre cette pièce danoise. L'oeuvre est étonnante. Et elle n'a rien à voir avec les stéréotypes de nordicité ou de naturalisme qu'on associe souvent au répertoire scandinave.

Bientôt viendra la temps rappelle La cantatrice chauve de Ionesco. Le langage est la fois précis et ludique, avec moult jeux de mots, onomatopées et double sens. L'humour y est étrange et inquiétant.

Au début, le récit se concentre sur le quotidien de Rebekka (Catherine Proulx-Lemay) et Hibert (Pierre-François Legendre). Un couple de parents d'apparence banale qui, peu à peu, laisse entrevoir ses failles.

L'arrivée d'un autre couple, sans enfants, tous aussi bizarres les uns et les autres, va déranger le fragile équilibre entre Rebekka et Hibert. Les personnages deviendront captifs de l'espace-temps. Leur univers se transforme pour basculer dans le surréalisme et le grotesque. Deux couples parfaits

On rit souvent et on s'y perd parfois durant cette pièce de 90 minutes. Or, il ne faut pas chercher à tout comprendre de ce monde où l'absurde règne en roi et maître. La mise en scène de Luce Pelletier est aussi habile que précise. Tout comme sa direction des six acteurs.

Le premier couple qui demeure soudé, malgré les menaces de rupture, est formé par Catherine Proulx-Lemay et Pierre-François Legendre. Leur dynamique est implacable. L'autre couple, encore plus étrange et dysfonctionnel, est défendu avec brio par Caroline Bouchard et Daniel Parent.

L'inquiétante Oda, incarnée par la jeune actrice Ann-Catherine Choquette (une belle découverte!) semble sortir des Bonnes de Jean Genet. Finalement, Adèle Reinhardt nous réserve une belle surprise au beau milieu de la représentation.

La scénographie d'Olvier Landreville est très ingénieuse. Il reproduit un intérieur bourgeois, avec ses meubles confortables et ses étagères parsemées de bibelots. Or, sa structure en bois ouverte nous permet de voir les déplacements des acteurs à l'arrière scène et le côté factice de ce décor bourgeois. Mention spéciale aux costumes vintage de Julie Breton et aux éclairages spéciaux de Mathieu Marcil.

Sans déplacer de montagnes ni révolutionner le théâtre, cette production sans fausse note est à voir.

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Bientôt viendra le temps. Texte: Line Knutzon. Mise en scène: Luce Pelletier. Avec Catherine Proulx-Lemay, Pierre-François Legendre, Daniel Parent... À L'Espace GO, jusqu'au 12 décembre.