Le 7e Festival burlesque de Montréal se déroulera au Club Soda dès jeudi. Pour l'occasion, une cinquantaine d'effeuilleuses offriront leurs plus beaux numéros aux amateurs d'art érotique.

«Il y a un retour en force du burlesque, et ce, sur une plateforme internationale. Presque toutes les grandes villes ont maintenant leur festival burlesque», explique la fondatrice du Festival, Scarlett James.

Assise dans le salon de sa maison cossue de Westmount, la femme d'affaires et artiste raconte à quel point elle travaille fort pour redonner une place de choix à cette forme d'art.

«Ça fait 20 ans qu'on observe une renaissance du burlesque, mais, comme toute renaissance, c'est long avant que ça passe de l'underground au mainstream. Depuis sept ans, je m'attaque au public mainstream à Montréal parce qu'encore aujourd'hui, peu de gens connaissent vraiment le burlesque», ajoute celle qui a grandi en Bretagne et qui voyage partout dans le monde pour présenter ses numéros.

Une scène en explosion

L'artiste Ruby Rhapsody confirme l'engouement actuel pour le burlesque: il y a davantage d'artistes et les salles sont de plus en plus pleines, constate-t-elle. D'après elle, les films hollywoodiens Burlesque (avec Cher et Christina Aguilera) et Chicago (lauréat de l'Oscar du meilleur film en 2003) y seraient pour quelque chose: «Ils ont piqué la curiosité de plusieurs femmes, qui sont les plus grandes consommatrices de spectacles burlesques», dit Ruby, qui est aussi l'une des coassociées et professeures de l'école Arabesque burlesque.

Elle ajoute: «La scène à Montréal grandit rapidement. C'est incroyable! Depuis que j'ai commencé, il y a un an et demi, je pense avoir rencontré une vingtaine de nouvelles artistes.»

Le striptease burlesque ne prend pas de l'ampleur uniquement dans la métropole. La Vieille Capitale compte aussi son lot d'admirateurs de cet art: «Ça fait trois ou quatre ans qu'ils ont commencé à Québec et ils remplissent leurs salles. Et il y a de plus en plus de troupes burlesques dans tout le Québec», avance Scarlett James.

Pas comme dans les années 40

Elle n'est toutefois pas dupe: la scène burlesque d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celle des années 40, où les cabarets montréalais avaient la cote.

«Lili St-Cyr se faisait payer l'équivalent de 5000$ par semaine. Elle faisait deux ou trois représentations par soir, six ou sept jours par semaine. Le public changeait à chaque représentation et il y avait une file d'attente qui faisait le tour du bloc pour voir Lili St-Cyr prendre son bain. Nous sommes loin de cette époque...», dit celle qui sera en spectacle tous les soirs du Festival.

Pour sa septième édition, le Festival burlesque de Montréal propose quatre soirées où des têtes d'affiche locales et internationales offriront un de leurs numéros. Le glamour, les paillettes et le champagne seront au rendez-vous; d'ailleurs, le port de jeans est interdit aux spectateurs.

«C'est un moment où les femmes et les hommes peuvent se permettre de bien s'habiller et même d'oser les boas et les vêtements extravagants», dit la fondatrice du Festival.

Et comme pour toute soirée burlesque digne de ce nom, les spectateurs peuvent s'attendre à rire un bon coup.

Le Festival burlesque de Montréal se déroule de jeudi à dimanche au Club Soda et en divers autres lieux.

montrealburlesquefestival.ca

Le jeu de la séduction

Pour en apprendre plus sur le milieu burlesque, La Presse s'est entretenue avec deux vedettes locales, Scarlett James et Ruby Rhapsody. Deux danseuses de formation qui assument leur rôle de strip-teaseuse et qui profitent pleinement de la liberté qu'il leur procure.

SCARLETT JAMES

Est-ce que vous vous considérez comme une strip-teaseuse?

Je me considère comme une strip-teaseuse, oui. Mais pas comme une strip-teaseuse de club de strip-tease. Je me considère comme une effeuilleuse. C'est un strip-tease classique. Ce qui est le plus important dans cette combinaison de mots-là est «tease»: on fait tout pour le tease, le titillage, l'émoustillage, le clin d'oeil, le jeu de la séduction. Les spectateurs ont recours à leur imagination; ils ont un effort à faire.

Dans le livre Burlesque: l'art et le jeu de la séduction, que vous avez coécrit avec Michel Grondin, vous dites que vous avez une formation en danse classique et en jazz moderne, mais que c'est par le burlesque que vous avez trouvé votre moyen d'expression.

Je vis mon rêve d'enfant. Quand j'étais une petite fille, je voulais être une Barbie. Ou une ballerine, peu importe. Donc, ce que je veux, c'est du rêve. Je veux ce monde rose bonbon, avec des étoiles, des paillettes, et je veux jouer dans mes cheveux comme Dalida ou faire la moue comme Marilyn Monroe. C'est exagéré, c'est «out of the box», ce n'est clairement pas raisonnable. C'est ce que j'ai trouvé dans le burlesque, et c'est ce que j'offre aux spectateurs. Je vais faire un numéro qui les fera rêver. Au meilleur de mes moyens. Sur scène, je vais descendre du plafond assise sur une lune ou prendre un bain dans un immense verre de martini.

Toujours dans votre livre, vous rappelez que dans les années 30, à New York, une loi associait le burlesque à la prostitution. Les temps ont changé, mais c'est encore un art qui peut choquer les bonnes moeurs. Que répondez-vous à ceux qui vous qualifient de femme-objet?

Les gens qui ne viennent pas voir du burlesque ou qui ne veulent pas comprendre, ils vont tout de suite mettre une étiquette comme ça: la femme-objet. Alors que s'ils viennent voir ce que nous faisons, ils vont constater que ce n'est pas le cas. À un spectacle burlesque, vous allez voir des grandes, des petites, des rondes, des trop minces, des trop voluptueuses. Il va y avoir de tout. Et puis, elles sont sur le stage, en train de mettre de l'avant leurs atouts, d'embrasser complètement leur féminité et leur pouvoir de séduction. Elles ne sont pas parfaites, elles le savent et c'est justement ce qu'elles mettent en avant. Le burlesque, c'est ça: montrer, par exagération, à toutes les femmes - peu importe leur poids, leur âge ou leur couleur - qu'elles sont belles.

RUBY RHAPSODY

Qu'aimez-vous dans le burlesque?

Il y a une liberté d'expression. Nous pouvons faire ce que nous voulons. Il n'y a pas de règle. On peut raconter une histoire ou simplement dire: «Regardez, je suis belle comme je suis.» Mais il y a aussi de la sensualité, et ça, c'est quelque chose que je ne retrouvais pas dans d'autres styles de danse, à part le ballroom.

Vous êtes danseuse de formation. Réussissez-vous à vivre uniquement du burlesque?

Non. Comme la plupart des danseuses, j'ai un deuxième emploi. J'ai déjà fait ça à temps plein, mais ce n'était pas sain, car je courais après l'argent. Je ne faisais plus ça pour le plaisir, parce que je ne pensais qu'à faire assez de spectacles pour payer mon loyer.

Chaque artiste a son style. Comment décririez-vous le vôtre?

Beaucoup de gens m'associent à Tom Waits à cause du style très smooky, bluesy. Il est d'ailleurs ma source d'inspiration. J'ai toujours beaucoup aimé sa musique, ça a touché ma vie. Et sur scène, je ne suis pas un personnage: je reste moi-même, mais très exagérée. Et ça, c'est du Tom Waits. C'est la cigarette, le whisky et de drôles d'histoires.

Quel est votre public?

Je dirais qu'il est constitué à 60% de femmes âgées de 30 à 50 ans. Et beaucoup de swingers [couples échangistes]! C'est le meilleur public, puisqu'ils crient et sont toujours de bonne humeur. [...] C'est vrai qu'à Montréal, le public grandit. C'est génial que ça grandisse. C'est bien pour nous, mais, en même temps, je trouve que le burlesque, ça vient de l'underground. On veut que ça reste mystérieux, presque illégal. Je pense que c'est ce qui le rend intéressant.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Ruby Rhapsody