Il y a quelques décennies, les enfants découvraient souvent la musique classique grâce aux dessins animés - rappelez-vous Bugs Bunny en chef d'orchestre fou dirigeant la Rhapsodie hongroise de Liszt ou « interprétant » l'opéra La Walkyrie de Wagner ! Désormais, ce sont les jeux vidéo qui initient les plus jeunes au classique, et la tournée symphonique nord-américaine Pokémon - évolutions symphoniques s'arrête à Wilfrid-Pelletier ce soir, pour le démontrer haut et (très) fort.

Ils seront quelque 90 musiciens classiques, sous la direction de la chef d'orchestre américaine Susie Benchasil Seiter, demain, à Wilfrid-Pelletier, pour interpréter les musiques accompagnant les nombreux jeux vidéo de la franchise Pokémon : de Pokémon Rouge et Bleu (1998) à Pokémon X et Y White (2013), en passant par Or et Argent, Émeraude, Platine, etc.

« Et nous les interprétons dans l'ordre chronologique de sortie des jeux », tient à préciser maestra Seiter en entrevue téléphonique. Car, reprend-elle, il y a une évolution - sans jeu de mots ! - tant musicale que dans le jeu lui-même au fil des années : ce qui a d'abord été conçu comme un jeu vidéo à l'intention des plus jeunes est devenu plus sérieux, plus mature, plus dramatique aussi. Cela est très perceptible dans la musique qui accompagne les jeux. »

Ce sont donc une bonne partie des trames sonores des 10 versions du jeu Pokémon, orchestrées par Susie Benchasil Seiter elle-même, qui seront interprétées en mode symphonique, pendant que défileront sur grand écran des projections tirées des jeux, parfaitement synchronisées avec la musique !

Les critiques parues à propos du concert, en tournée depuis janvier dernier et qui poursuivra sa route jusqu'en 2016, sont toutes bonnes : les spectateurs qui connaissent Pokémon sont profondément heureux de renouer avec leurs souvenirs, alors que les autres découvrent des musiques souvent enlevantes et fort agréables, adroitement construites. « Nous avons collaboré étroitement avec Junichi Masuda, le principal compositeur pour Pokémon », explique Mme Seiter.

Et Masuda est un maître en la matière. « Nous avons vraiment beaucoup travaillé pour demeurer fidèles aux intentions de sa musique, dit Mme Seiter, et aussi pour respecter les spectateurs, qui connaissent cette musique par coeur, il n'est pas question de les décevoir. »

De la vraie musique

Ce n'est pas la première fois que Susie Benchasil Seiter travaille à ce genre musical inspiré de trames sonores de jeux : elle a notamment signé les orchestrations de la populaire tournée de concerts La légende de Zelda. Avec son mari, le compositeur et arrangeur Chad Seiter, elle a travaillé aux arrangements et orchestrations pour les jeux Star Trek - The Video Game et The Smurfs 2, ainsi qu'à ceux du film d'animation The Book of Life

Plus sérieusement, elle aborde avec un réel intérêt cette vaste tournée : « La musique de Pokémon comprend vraiment beaucoup plus de solos que d'autres jeux, explique-t-elle, beaucoup de très beaux solos pour les vents, les hautbois, les violons... C'est aussi une musique qui utilise les carillons de façon très intéressante, très distinctive même : quand on entend l'espèce de petit fracas de cloches (crash chimes) typique des jeux Pokémon et qui émaille tout le concert, on constate que c'est presque une signature musicale. Et on ne mesure pas à quel point cette musique respecte, oh, peut-être pas l'instrumentation classique de la musique japonaise, mais très certainement l'esprit de la musique japonaise : très élégante, très digne aussi. »

« Le public est très varié à ce concert, reprend-elle avec chaleur. Des gens qui ont grandi avec Pokémon, des parents qui aiment Pokémon et qui emmènent leurs enfants, des enfants qui aiment Pokémon et qui viennent avec leurs parents, plusieurs jeunes adultes... Ce qu'ils ont en commun, à part Pokémon ? C'est que c'est souvent leur tout premier concert de musique classique avec un grand orchestre ! Que cette musique soit " réelle ", si je puis dire, qu'elle soit incarnée devant eux par des musiciens, c'est une expérience très forte pour eux. Si je compare à d'autres spectacles du même genre auxquels j'ai participé, je suis particulièrement frappée et touchée par l'enthousiasme des spectateurs de Pokémon : nous signons des autographes après le concert, et ils sont vraiment reconnaissants, c'est franchement remarquable ! »

« Et il faut respecter cette musique, conclut-elle. Il y a quelques siècles, les compositeurs classiques s'inspiraient des chansons et danses populaires de l'époque, ce sont aujourd'hui les jeux vidéo ou des choses du genre qui jouent ce rôle dans notre culture. C'est vraiment un langage universel, compris dans le monde entier. J'aime toutes les musiques et toutes les inspirations, et je considère que cette musique a sa place aussi. »

Un conseil : si vous assistez au concert, restez pour les rappels, vous ne le regretterez pas !

Ce soir, 20 h, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.