Flow spectaculaire. Choix judicieux de beatmakers. Humour cinglant. Arrogance festive. Sexualité explicite et autres grivoiseries dans les rimes. Homosexualité totalement assumée. Look excentrique. Profil autodérisoire de la grande folle ou de la diva survoltée. Très forte personnalité. Mi-vingtaine, l'Afro-Américain Rashard Bradshaw, alias Cakes Da Killa, est en voie de devenir une figure marquante du hip hop actuel.

Cakes parce que les gâteaux rappellent la forme arrondie de son postérieur, Da Killa parce qu'il rappe agressivement.

Puisque notre interviewé new-yorkais - qui est de passage au Centre Phi samedi soir - ne s'en cache vraiment pas, réglons tout de suite avec lui le dossier «rappeur gai» ou artiste hip hop LBGT... en lui soulignant d'abord qu'il doit en avoir un peu marre d'aborder cet inévitable sujet.

Il corrobore et prévient: «Les questions que l'on me pose sur le rap gai deviennent rapidement redondantes. Bien sûr, je demeure ouvert à la question, mais, de grâce, évitons les clichés. Il y a des manières plus intéressantes d'en causer.»

Parfaitement d'accord! Parlons de ses allégeances.

«Je ne me sens pas lié à quelque communauté d'artistes homosexuels, qu'il s'agisse de hip hop ou toute autre expression musicale. Il m'importe plutôt de trouver les bonnes personnes avec qui travailler et de ficeler tout ça avec mon projet artistique. Tant mieux si le public s'identifie à ma façon de faire en tant qu'artiste gai, tant mieux si je peux être une inspiration pour quiconque. Mon approche n'est pas sociale ou militante pour autant: il s'agit d'une démarche individuelle. J'ai toujours fait les choses seul.»

En cela, Cakes Da Killa évite les associations avec une prétendue mouvance hip hop LGBT (lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres) au sein de laquelle évoluerait un nombre croissant d'artistes tels Angel Haze, Tear the House Up, Shamir, Le1F, Timm T West et Mykki Blanco. Pour Cakes Da Killa, le rap est une affaire personnelle, point barre. Ses influences premières, d'ailleurs, ne sont pas particulièrement LGBT: Remy Ma, Missy Elliott, Cam'ron, Lil' Kim, Foxy Brown, Busta Rhymes...

«J'aime le hip hop et je suis homosexuel. C'est tout», dit-il.

Son parcours ne semble pas parsemé d'embûches. Au début de l'adolescence, il se savait gai. Son entourage familial ne s'en est pas vraiment formalisé. Il n'a pas grandi dans un environnement discriminatoire et oppressant.

Arrogant... et fier de l'être

Confiant en ses moyens, Rashard Bradshaw n'est toutefois devenu Cakes Da Killa que récemment, soit pendant ses études en mode à la Montclair State University dans son New Jersey natal.

«J'ai découvert mes habiletés à rapper professionnellement, puis j'ai commencé à enregistrer. C'était il y a quatre ans et j'en vis depuis deux ans. Progressivement, j'ai trouvé mes beatmakers tels LSDXOXO, Wildkatz, SXYLK, Joe Lalich, Poisonous Relationship... Ils sont tous mes préférés; je ne cherche pas un son en particulier. Je suis d'humeur changeante! J'aime travailler avec des gens différents. Le lien entre tout ça, j'imagine que c'est moi.»

Et comment! Et comment décrit-il alors son personnage?

«Un peu d'arrogance? Oui, sûrement. Dans mon cas, il en faut un peu. Et il me faut divertir les gens. Pour cela, l'improvisation et la comédie font la différence entre mon spectacle et les spectacles typiques de rap.»

«Lorsque je monte sur scène, ajoute-t-il, une large part du public ne me connaît pas encore. Je dois alors faire tout ce que je peux pour l'intéresser. Et ça m'amuse de faire cet effort. Je travaille fort pour avoir l'air de m'amuser.»

En quatre ans, Cakes Da Kila n'a pas chômé: trois mixtapes et deux maxis, près d'une dizaine de clips, collaborations, tournées nord-américaines, séjours prolongés en Europe, un album prévu en 2016...

«Fin décembre, prévoit-il, je donnerai un grand coup en studio. J'ai déjà fait quelques séances, j'avais pas mal tout écrit lors d'un séjour de quelques mois en Europe. Je suis en train de contacter des artistes réputés, au-delà de mon noyau de collaborateurs. Mais je ne travaille qu'avec des gens cool et qui veulent vraiment se retrouver dans mon univers. Je n'ai aucun ennemi déclaré, mais je ne travaille pas avec tout le monde... parce que je ne crois pas que tout le monde est cool.»

À quoi aspire Cakes Da Killa?

Il balaie la question d'un revers de main: «Je n'ai pas vraiment le luxe de m'asseoir et de réfléchir à mes réalisations ou à mes aspirations au sens large. Je fais les choses, je dois bouger ensuite. Et j'en veux toujours plus.»

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Au Centre Phi samedi soir, 21 h. Cakes Da Killa sera précédé de Wasiu.