Ils en ont fait du millage, Les Trois Accords, depuis Hawaïenne, Tout nu sur la plage et tant d'autres pièces délicieusement absurdes (et même prémonitoires) comme Je me touche dans le parc. Trois ans après J'aime ta grand-mère, le groupe rock mené par le chanteur Simon Proulx remet ça avec son cinquième album: Joie d'être gai.

La pochette est d'un kitsch consumé. Un ciel mauve rempli d'étoiles traversé par un arc-en-ciel, avec un dauphin et une licorne à l'avant-plan, et tout en bas, le titre du disque en lettres majuscules: Joie d'être gai, la chanson titre de cet album rock aux accents grunge, qui célèbre l'amour homosexuel et les soins corporels. Qui peut se permettre ça aujourd'hui?

«Ce qui fait sourire, c'est la manière d'aborder nos sujets, estime le batteur Charles Dubreuil au cours d'un entretien avec les membres du groupe. Parce que tout le monde parle de la même affaire. Tout le monde conte les mêmes mensonges pour parler d'amour. Ce qui est important, c'est l'angle qu'on choisit. Si ce n'est pas surprenant, la pièce n'existera pas.»

Comme pour leurs albums précédents, les mélodies sont accrocheuses et les titres des pièces, toujours aussi désopilants: St-Bruno (Nuit de la poésie III), Non, toi raccroche, L'esthéticienne, J'ai un massage pour toi, C'est pas facial. Malgré cela, les membres des Trois Accords rejettent toujours l'étiquette de groupe humoristique.

«C'est sûr qu'une toune comme Hawaïenne, c'est un peu cave, on ne dit pas qu'on est un groupe sérieux, dit Charles Dubreuil, mais on a grandi en écoutant NOFX, Blink-182, Weezer, des bands qui ont toujours abordé des thèmes avec un certain humour. On ne les étiquette pas comme «band humoristique» pour autant...»

N'empêche. Après le succès d'Hawaïenne, Les Trois Accords ont dû travailler fort pour gagner leurs épaulettes. «Il a fallu montrer aux gens qu'on faisait ça de façon sérieuse parce que c'était un peu niaiseux, même si c'était une bonne toune, et puis on disait tellement n'importe quoi en entrevue», se rappelle Charles Dubreuil...

«Mais notre succès, on ne l'a pas volé. On fait des bons shows, on est en forme et notre public est fidèle», ajoute-t-il.

La piste grunge

Le réalisateur de l'album, Gus Van Go, qui a travaillé sur les deux albums précédents du groupe avec son éternel complice Werner F, a privilégié cette fois la piste grunge. Avec Pierre-Luc Boisvert (basse) et Alexandre Parr (guitare), Simon Proulx et Charles Dubreuil se sont rendus plus tôt cette année dans les studios new-yorkais du réputé réalisateur (Vulgaires machins, Les Cowboys Fringants).

«Ça fait longtemps qu'on veut retourner vers des sonorités des années 90, inspirées par les bands grunge et alternatifs comme The Smashing Pumpkins», explique le chanteur Simon Proulx. Gus nous a donné plein de références musicales, il a su nous guider là où on voulait aller. Il a vraiment été un bon leader et un bon motivateur.»

Résultat: un album beaucoup plus rock que le précédent, avec pas mal de distorsion. «C'est facile de sonner quétaine quand tu veux mettre beaucoup de distorsion dans une toune rock, estime Charles Dubreuil. On a beaucoup travaillé pour avoir un son riche, avec beaucoup de guitare. C'est un album de guitar hero

Cette «joie d'être gai» de la chanson-titre fait directement référence à l'homosexualité, comme au moins deux autres pièces de l'album. «C'est un travail d'observateur parce qu'on est tous les quatre hétéros», affirme Simon Proulx, qui a écrit toutes les chansons.

«J'ai commencé par écrire cette chanson [Joie d'être gai], qui raconte tout simplement une histoire d'amour entre deux garçons. Je voulais que ce soit beau. Et puis je trouvais le sujet riche; ça m'a inspiré d'autres chansons.»

«D'où Les dauphins et les licornes et Dans le coin, qui raconte l'histoire d'un couple gai rêvant d'endroits où la vie est belle. Quand on était plus jeunes, au secondaire, il y en avait des homosexuels à Drummondville, raconte-t-il, mais la première chose qu'ils ont faite dès qu'ils ont pu, c'est de partir!»

Prendre soin de son corps

L'autre thème dominant de l'album, ce sont... les soins du corps. Le chanteur et parolier ne savait sans doute pas qu'il en avait autant à dire sur le sujet!

«Ça fait une couple d'années que je veux parler des esthéticiennes, avoue tout de même Simon Proulx. Il y a des drames qui se vivent là! À peu près tout le monde y va, même qu'il y a de plus en plus de gars, donc c'est un sujet qui m'a inspiré. Il n'y a pas beaucoup de gens qui parlent de cette relation-là...»

Malgré toutes leurs fantaisies, on va finir par les prendre au sérieux, ces Trois Accords qui se sont imposés comme une solide formation musicale. L'an dernier, Simon Proulx et sa bande se sont même produits en version symphonique avec l'OSM. Il y a deux ans, ils ont fait la première partie des Cowboys Fringants au Zénith de Paris.

«Ce qui distingue ce cinquième album des autres, selon Charles Dubreuil, c'est la qualité d'écriture et la profondeur des textes de Simon Proulx. Il ne le dira pas, mais il a passé un an à écrire ces textes-là, plusieurs heures par jour. C'est l'album qui est de loin le plus travaillé, et ça paraît. C'est toujours de plus en plus fin et on est prêts à le défendre sur scène!»

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ROCK. Les Trois Accords. Joie d'être gai. La Tribu.