Sa grand-mère est née au Québec et la langue maternelle de sa mère était le français. Mais Patty Griffin a grandi dans le nord du Maine et, de son propre aveu, son français est franchement mauvais. Elle ne maîtrise pas davantage l'espagnol. Pourtant, depuis quelque temps, elle n'écoute que des chansons dans ces deux langues.

«Je ne veux rien écouter en anglais, alors, présentement, j'écoute beaucoup de musique mexicaine et de chansons de Françoise Hardy», dit l'artiste américaine qui viendra nous présenter son excellent nouvel album Servant of Love, dimanche soir, à L'Astral.

«Je peux en comprendre des bribes, mais je ne suis pas assez bonne en français pour vraiment saisir toutes les subtilités des chansons. Par contre, je peux vraiment me perdre dans la musique et sentir sa puissance. Je n'ai donc pas vraiment besoin des mots, même si je peine sur ceux que j'écris dans mes chansons... Je les écris juste pour moi», ajoute-t-elle en pouffant de rire.

Cet aveu, fait à la toute fin de notre conversation téléphonique, n'étonne pas venant de l'une des auteures-compositrices américaines les plus douées du moment. Sur des musiques très évocatrices qui puisent dans le folk, le blues, le country et même le jazz, la Texane d'adoption chante des textes empreints de mystère que chaque auditeur peut s'approprier à sa façon. Des textes dont elle-même ne possède pas nécessairement toutes les clés.

«Il m'arrive d'être encore en train d'essayer de les déchiffrer», dit-elle en riant.

La chanson sociale

Ne vous y trompez pas: malgré la coiffe digne d'une déesse de l'Antiquité qu'elle porte dans le livret de Servant of Love, Patty Griffin n'a rien d'une prêtresse du Nouvel-Âge. Au contraire, des textes aux thématiques sociales se glissent de plus en plus fréquemment parmi ses chansons d'amour.

La très folk Good and Gone lui a été inspirée par un incident précis: un Noir, parfaitement innocent, qui a été abattu par la police dans un Walmart.

«Je voulais surtout m'immiscer dans la tête de la personne qui a appelé la police pour dire que cet homme menaçait des gens, ce qui n'était pas vrai du tout, comme le prouve la vidéo des caméras de sécurité, explique-t-elle. J'ai voulu savoir d'où ça venait. Martin Luther King l'a déjà souligné: quand plusieurs personnes dégringolent dans l'échelle sociale, y compris des Blancs, ça profite à ceux qui sont au pouvoir de braquer les pauvres contre les pauvres. C'est toujours vrai aujourd'hui : plus ça va mal sur le plan économique pour les Américains, plus la situation se détériore pour les Afro-Américains.»

De la même façon, l'atmosphérique Everything's Changed fait référence aux suites de l'ouragan Katrina, tandis que Gunpowder, dans laquelle une trompette s'insinue au milieu d'un blues-rock entraînant, dénonce les iniquités sociales.

«Comment pouvez-vous diriger une entreprise d'un milliard de dollars et faire des choses complètement illégales, comme l'a fait Volkswagen par exemple, puis tenter d'imputer la faute à un PDG junior? Ce genre de situation mondiale, qui n'est pas contrôlée, me fait très peur», avoue l'artiste.

À 51 ans, Patty Griffin a décidé de s'engager socialement et politiquement plutôt que de se tenir en retrait. Agir, oui, pas nécessairement à travers sa musique - «Il y a des gens qui ont des publics plus nombreux que le mien», dit-elle -, mais à titre de citoyenne préoccupée par des questions comme la détérioration de l'environnement et, plus globalement, l'érosion de la démocratie dans son pays. Elle se préoccupe notamment des femmes soutiens de famille, très nombreuses aux États-Unis mais dont plusieurs ne votent pas.

Inspirée par Robert Plant

Si Patty Griffin vit à Austin, c'est, dit-elle, parce que la musicienne en elle voulait être proche de sa tribu: «Je ne voulais pas habiter une grande ville, donc j'ai choisi une des plus petites villes musicales.»

Même si elle a des racines québécoises, ce n'est que l'an dernier que Patty Griffin a donné son premier concert à Montréal, au Corona, dans le cadre du Festival folk de Montréal sur le canal. Toutefois, on l'avait vue et entendue au Festival de jazz de 2011 dans le Band of Joy de Robert Plant, qui a chanté sur son album précédent et avec qui elle a eu une liaison.

«C'est un chanteur fantastique et très innovateur, dit-elle de l'ex-Led Zeppelin. Quant à notre relation, je ne veux pas la commenter parce que c'est du domaine privé pour lui et pour moi. Mais je continue à être inspirée par sa musique et je trouve que, comme chanteur de nos jours, c'est une force de la nature.»

À L'Astral, dimanche soir, Patty Griffin sera accompagnée du guitariste David Pulkingham et du batteur Conrade Chocroun, qu'on entend sur son nouvel album, ainsi que du multi-instrumentiste Billy Harvey.

À L'Astral dimanche, à 20h