La série de concerts de Richard Desjardins programmée au Club Soda ne marquera pas seulement le début de la fin de sa tournée L'existoire. Les derniers mois passés sur la route l'ont aussi convaincu d'en faire sa toute dernière virée en groupe. À vie.

«On vient de se taper 3200 km en 10 jours», dit d'abord Richard Desjardins, attablé dans un resto-bar du nord de Montréal où il a ses habitudes. Sept villes - de Thetford Mines à Sept-Îles, en passant par Gaspé et New Richmond - et des dizaines heures de route pour seize heures passées à chanter sur les planches. «J'étais content de rentrer à la cabane!»

Tellement content, en fait, qu'il songe sérieusement à ralentir le rythme. Il n'a pas de disque ni de projet de documentaire en vue. Sa tournée L'existoire, pour laquelle il est accompagné de cinq musiciens, se poursuivra encore un peu au printemps, mais il n'entend pas étirer le plaisir. Au contraire. «Dans le genre, c'est la dernière que je fais», affirme l'auteur-compositeur.

Pas question de monter un autre spectacle en groupe. «C'est de l'ouvrage, c'est un show très complexe», plaide-t-il. Sa tournée L'existoire, comme l'album qui lui prête son nom, mise en effet sur les orchestrations étoffées de Claude Fradette, guitariste et réalisateur qui était aussi de l'aventure de Kanasuta. Desjardins est ainsi la figure de proue d'un ensemble de six musiciens.

«C'est de l'ouvrage, répète-t-il, et je veux travailler moins.» Richard Desjardins a eu 64 ans en mars dernier. Il veut «du temps libre». Il reconnaît écrire moins qu'avant, ce qui ne suscite aucune forme d'angoisse chez lui... «Quand tu te lèves le matin, c'est beaucoup plus agréable d'aller au piano et de t'amuser que d'aller t'asseoir pour écrire», dit-il.

Met-il une croix sur la scène? Pas fermement, non. Il n'écarte pas la possibilité de faire encore des tournées, mais en solo. Sillonner le Québec et la France en s'accompagnant à la guitare - avec seulement un micro et sa six cordes dans le coffre de la voiture - est une formule à la fois ultralégère, peu coûteuse et efficace pour faire résonner ses chansons.

Sa carrière musicale, Richard Desjardins en parle avec un certain détachement. Ce qui n'est pas nouveau. À la sortir de Kanasuta, il parlait déjà plus volontiers de forêt et de politique que de musique. En 2012, il a simplement ajouté un sujet de conversation parallèle à son répertoire sociopolitique: les mines, auxquelles il a consacré un documentaire paru l'an dernier (Trou Story).

Se savoir considéré comme l'un des auteurs-compositeurs québécois - voire francophones - les plus importants des 25 dernières années ne l'émeut pas outre mesure. «Je ne pense pas à ça, assure-t-il. Je suis plutôt content d'avoir pu faire une vie là-dedans, sans être ignoré de tout le monde ou être dans la misère noire, comme j'en vois tant. Je suis privilégié.»

Sa postérité ne semble pas une grande préoccupation. Son passé non plus: il n'a jamais songé à célébrer les 20 ans de son désormais mythique album Tu m'aimes-tu par un concert ou une édition spéciale. «Quand je serai vieux et que je manquerai d'argent, je ferai une passe, lance-t-il avec un rire malicieux. Je vais faire comme Ferland: je vais faire semblant de m'en aller. Ou comme Aznavour, c'est encore pire!»

Richard Desjardins s'intéresse au moment présent. On ne va pas s'en plaindre: quand on va au concert, c'est justement pour chevaucher le temps et avoir l'impression qu'il stoppe sa course folle l'espace d'un tour de chant.

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Du 31 octobre au 4 novembre au Club Soda.

«Il ne faut pas lâcher la pression»

Un an après la parution de Trou Story, Richard Desjardins ne s'étonne pas qu'il ait eu un impact moindre que L'erreur boréale (1999), son brûlot au sujet de la foresterie québécoise. «Ce n'est jamais déterminant d'un coup sec», nuance-t-il, tout en reconnaissant que ce film a été moins vu.

«L'erreur boréale a frappé parce que c'était un sujet qui concerne tout le monde: les Québécois ont un arbre à la place de la colonne vertébrale. On est beaucoup plus attachés aux forêts qu'aux Indiens qu'il y a dedans... Les mines, c'est en périphérie, c'est loin de la vallée du Saint-Laurent.»

Les récentes élections et la nomination de Martine Ouellet aux Ressources naturelles et de Daniel Breton à l'Environnement et au Développement durable l'incitent à envisager l'avenir avec un optimisme prudent. «On peut raisonnablement escompter qu'ils vont faire quelque chose, dit-il. S'ils ont les coudées franches...»

L'Action boréale, dont il est vice-président, entend garder l'oeil bien ouvert à l'approche de l'entrée en vigueur, en 2013, du nouveau régime forestier découlant du rapport Coulombe. Il perçoit aussi les opposants à l'exploitation des gaz de schiste comme des alliés potentiels. «Ça fait 100 ans qu'on subit [la Loi sur les mines] en Abitibi, dit-il. Les gens de la vallée du Saint-Laurent y ont goûté aussi quand les compagnies sont arrivées pour faire de l'exploration pour le gaz de schiste. Ils ont vu c'était quoi.

«Il ne faut pas lâcher la pression, ajoute-t-il. La loi des mines, elle n'est plus montrable. Je n'ai pas de misère à convaincre le public que c'est une législation abusive à sens unique.»

Son identité usurpée

«On m'avait dit qu'il y avait un gars qui se faisait passer pour moi. J'ai regardé et il rapportait intégralement ce que je disais de temps en temps, soit pour les mines ou autres choses. Il s'en tenait à ça», dit Richard Desjardins au sujet de la personne qui se faisait passer pour lui sur Twitter.

L'auteur-compositeur n'en a pas fait de cas jusqu'à ce que l'usurpateur prenne les devants et commente la mort de la chanteuse Ève Cournoyer, au mois d'août.

«Ce n'est pas vrai, je n'avais pas dit un crisse de mot. J'étais en état de choc total, il n'était pas question que je fasse aucun commentaire.» Le compte litigieux (@RDesFoukinic) a été supprimé depuis.

Richard Desjardins affirme se tenir loin des réseaux sociaux et précise qu'il n'est pas non plus derrière la page Facebook à son effigie, alimentée par un fan.