Un peu plus d'une demi-heure après le début de son spectacle au Centre Bell, samedi soir, Prince a demandé aux quelque 7000 fans qui avaient acheté leurs billets à deux jours d'avis s'ils se souvenaient des années 80.

Ça dansait déjà au parterre comme dans les gradins au rythme de Take Me With U, Raspberry Beret et U Got the Look quand il a eu la bonne idée d'emprunter à Michael Jackson sa Don't Stop 'til You Get Enough, appuyé en cela par les quatre cuivres pétants de santé qui venaient tout juste de se joindre aux trois musiciennes de 3rdEyeGirl et aux trois chanteuses qui accompagnent Prince. Un segment funky à souhait qui allait se conclure par un clin d'oeil à Sir Duke de Stevie Wonder comme, un peu plus tôt, l'artiste avait mêlé la Frankenstein d'Edgar Winter à sa propre Let's Go Crazy, plus lente, plus lourde.

Un peu plus tard, après une éclipse de quelques minutes, Prince a dit sans rire que quand ses amis et lui se disputent à l'arrière-scène à propos du choix des chansons à jouer, il leur faut tenir compte du fait que certains spectateurs en sont sans doute à leur tout premier rendez-vous avec eux ce soir-là. « Celle-là, il faut la jouer », a-t-il ajouté avant de se lancer dans When Doves Cry, accompagné par une chorale de quelques milliers de membres.

COMME ÇA LUI CHANTE

Prince n'a surtout pas à s'excuser de replonger dans la décennie qui a fait de lui une supervedette. S'il le faisait à reculons, il ne remonterait probablement pas jusqu'à Controversy et 1999 et il ne ressortirait pas sa Little Red Corvette du garage une trentaine d'années après son premier tour de piste.

En 2015, Prince fait toujours à sa tête.

Après une séquence de party digne d'un rappel, pendant laquelle des fans dégourdis ont dansé sur scène au milieu de sa tribu de musiciens, il peut s'asseoir au piano et imposer le silence en chantant de sa voix de tête la poignante ballade The Breakdown de son récent album Art Official Age.

Comme il peut, si ça lui chante, rendre hommage à la musique soul et R'n'B qui l'a fortement marqué.

Ce même Prince qui avait déstabilisé son public il y a 11 ans à Wilfrid-Pelletier en lui proposant en lever de rideau une longue suite musicale atmosphérique un peu étrange même pour les plus mordus de ses admirateurs s'amuse cette fois à les convoquer à la toute dernière minute dans cette tournée HITnRUN qui s'est mise en branle l'an dernier en Europe.

MUSIQUE INSPIRANTE

Plus encore, il consacre la première demi-heure de son concert à une enfilade de chansons récentes au beat lourd et aux riffs trempés dans le blues-rock dont celui de l'instrumentale Plectrumelectrum sur lequel n'aurait pas craché Led Zeppelin il y a 40 ans.

Prince fait comme bon lui semble avec l'air de dire: « Attendez, ce que vous êtes venus entendre s'en vient. » Un peu de patience et ils auront leurs Kiss, Nothing Compares 2 U et Purple Rain. Et, après deux heures et demie de musique inspirante, ils rentreront à la maison avec la ferme intention d'être du prochain rendez-vous avec cet artiste qui a tous les talents.