Saint-Sauveur a officiellement inauguré hier midi la scène McGarrigle, en l'honneur des soeurs qui y ont grandi et dont les chansons ont fait le tour du monde. En soirée, tout le clan a assisté au concert solo de Rufus Wainwright, le fils de la regrettée Kate McGarrigle, en préouverture du Festival des arts de Saint-Sauveur.

Les McGarrigle et les Wainwright ne s'en doutent probablement pas, mais il y a dans les bureaux de la chambre de commerce de Saint-Sauveur une photo du début des années 60 montrant Kate McGarrigle et d'autres jeunes dames en tenue estivale paradant sur un char allégorique pendant le festival de Saint-Sauveur.

Le Festival des Arts de Saint-Sauveur (FASS), qui a immortalisé le lien entre les soeurs McGarrigle et la ville des Laurentides hier, est d'une autre nature. Depuis plus d'une quinzaine d'années, il célèbre la danse et recevra encore jusqu'au 8 août des danseurs de renommée internationale. C'est pourtant dans le cadre de ce festival qu'on a renommé officiellement scène McGarrigle la petite scène du parc Georges-Filion, tout près de l'église, où une centaine d'artistes de la région se produiront d'ici 10 jours.

Le maire Jacques Gariépy songeait depuis quelques années à une façon de rendre hommage aux soeurs Kate et Anna, mais aussi à leur complice artistique Jane qui ont grandi dans la maison familiale de la rue Lanning où s'étaient installés leur père Frank McGarrigle et leur mère Gabrielle Latrémouille vers la fin des années 40 et où la famille élargie du clan McGarrigle-Wainwright se réunit toujours à l'Action de grâce et à Noël. Plutôt que de rebaptiser une rue ou une place, on a choisi d'associer le nom de la famille à une scène.

Heureux concours de circonstances, le nouveau directeur artistique du FASS, le grand danseur Guillaume Côté, ne connaissait pas le lien profond qui unit Rufus Wainwright, fils de la regrettée Kate, à Saint-Sauveur quand celui-ci lui a dit qu'il accepterait volontiers de chanter en préouverture de son festival. Côté sollicitait les conseils du grand patron du festival torontois Luminato, Jorn Weisbrodt, quand le mari de ce dernier, Rufus, lui a spontanément offert ses services.

«C'était tout naturel, de dire Rufus hier. Guillaume est sans doute le plus grand danseur au Canada et quand il a eu ce poste, je lui ai dit que c'était un drôle de hasard qu'il me parle de Saint-Sauveur.»

Quelque heures avant son spectacle de fin de soirée, Rufus était présent sur la scène McGarrigle, avec sa soeur Martha et leurs tantes Jane et Anna pour exprimer son attachement à Saint-Sauveur où il s'arrête plus souvent qu'à Montréal depuis que sa mère est morte en 2010. Il marche de la maison familiale jusqu'au village et se dirige vers le cimetière derrière l'église où repose Kate. Kate qui était bien présente hier sur la scène qui porte désormais son nom de famille quand Jane, Anna, Rufus, Martha et leurs cousins Sylvan et Lily Lanken ont chanté l'une des plus belles chansons des soeurs McGarrigle, Cheminant à la ville.

De précieux souvenirs

Il y avait dans l'air hier midi un parfum des années de jeunesse des soeurs McGarrigle qui fréquentaient toutes trois l'école primaire Marie-Rose.

Jane, l'aînée, jouait de l'orgue à la messe du dimanche tandis que Kate et Anna chantaient dans la chorale de l'école. Qui aurait dit alors que ces filles de Saint-Sauveur allaient chanter partout dans le monde et que certaines de leurs chansons seraient reprises par Linda Ronstadt et Emmylou Harris?

Hier, Anna et Jane ressassaient plutôt des souvenirs d'enfance. Comme le commentaire désapprobateur du grand-père Latrémouille - «Seuls les gens stupides s'installent à la campagne» - quand leur père Frank McGarrigle, charmé par Saint-Sauveur, a décidé de s'y établir. Ou encore la générosité du commerçant Réal Chartier - dont la veuve Huguette a assisté à la cérémonie d'hier - envers la famille McGarrigle quand Frank, souffrant de la tuberculose, a dû être hospitalisé, privant la famille de son unique revenu.

Rufus conserve de précieux souvenirs des spectacles familiaux dans la maison de Saint-Sauveur qu'exigeait littéralement sa grand-mère Gaby, non pas chaque week-end, mais chaque soir: «Et je me souviens de moments magiques quand, vers l'âge de 6 ans, je revêtais les habits des années 30 de mon grand-père et Martha enfilait la robe de noces de grand-maman et qu'on se promenait dans le village. Saint-Sauveur n'était pas aussi développé à l'époque, c'était bucolique. Je songe d'ailleurs à acheter une propriété au bord du lac. Quand tu passes ton temps à voyager autour du monde, tu découvres que c'est pas mal magnifique, là d'où tu viens.»

Sa soeur Martha, elle, habite désormais Montréal et monte systématiquement à Saint-Sauveur les week-ends quand elle n'est pas en tournée. «Saint-Sauveur a toujours été depuis ma naissance la seule constante dans ma vie. Je n'ai jamais connu mon grand-père Frank, mais de venir ici me reconnecte avec ma famille.»

Pour les deux enfants de Kate, l'association du nom McGarrigle à la scène du parc Georges-Filion et la plaque honorifique dévoilée hier feront en sorte que l'esprit de la femme formidable qu'était Kate McGarrigle sera toujours présent dans la région.

Les projets de Rufus, Martha, Anna et Jane

Rufus

> L'opéra Prima Donna

L'enregistrement de l'album de son premier opéra, Prima Donna, a été fait à Londres dans les studios de la BBC. Rufus a recueilli les 300 000$ nécessaires au terme d'une campagne de financement publique. Prima Donna, l'album, sera lancé de façon spectaculaire par la présentation de sa version concert à l'Acropole d'Athènes à la mi-septembre, pour coïncider avec l'anniversaire de la mort de Maria Callas, le 16.

Pour l'occasion, Rufus a recruté les artistes Cindy Sherman et Francesco Vezzoli, qui ont préparé une installation vidéo. Rufus nous disait encore hier que le fait que l'Opéra de Montréal n'ait pas présenté Prima Donna constituait la plus grande déception de sa jeune aventure opératique. La bonne nouvelle, toutefois, c'est que même si tout n'est pas finalisé, la version concert de Prima Donna sera présentée à Montréal en 2016, nous confirme-t-il. Elle sera également présentée dans d'autres villes comme Londres - à Covent Garden -, New York et Los Angeles.

> Les concerts de Noël

Enchanté par l'accueil «fantastique» réservé au concert de Noël du clan McGarrigle-Wainwright à la Maison symphonique l'an dernier, on remettra ça deux fois plutôt qu'une les 5 et 6 décembre prochains, dans la même salle. «Cette année, on va les enregistrer», ajoute Rufus.

> Un album pop

Rufus a écrit beaucoup de chansons pop en prévision d'un album. «La musique classique, ça me donne des démangeaisons», dit-il en riant. Son album précédent, Out of the Game, réalisé par Mark Ronson, il le voulait vraiment pop. «Je suis convaincu que j'ai écrit quelque chose de pop, mais quand j'entends mes chansons à la radio, je me rends compte que c'est la chose la plus éloignée de ce qui est populaire maintenant.»

Martha

Martha lancera en novembre un album de «berceuses un peu morbides» dans la tradition anglaise, qu'elle a enregistrées avec sa demi-soeur Lucy Wainwright Roche dans un petit studio aménagé dans un chalet de pêche de son grand-père Frank McGarrigle, à Saint-Sauveur. Elle travaille également à un nouvel album de ses propres chansons, qu'elle va enregistrer au studio de Pierre Marchand à Montréal. Sortie prévue en 2016.

Anna et Jane

Les deux soeurs McGarrigle viennent de terminer la rédaction d'un livre racontant leur histoire, qui sera publié par Random House cet automne. Une traduction française devrait paraître six mois plus tard.