Dix ans après sa fabuleuse prestation aux Oscars, Benoît Charest reprend la route avec la musique du film Les Triplettes de Belleville: place au concert synchronique.

Après deux bandes originales qui lui ont valu autant de nominations aux Jutra de 2013 - Une bouteille dans la mer de Gaza de Thierry Binisti et Mars et Avril de Martin Villeneuve -, c'est tombé «tranquille dans le film» pour Benoît Charest. «Peut-être que je suis trop vieux... On dirait que les réalisateurs ont perdu mon numéro de téléphone», lance à la blague le presque quinquagénaire.

Devant cet état de fait, le compositeur de musiques de film et de publicité s'est remis à la guitare. Sérieusement. Pour en jouer sur scène. Comme dans le temps dans le Vieux, à l'Air du temps où il côtoyait les meilleurs jazzmen en ville. Et encore à la soirée des Oscars où, il y a bientôt 10 ans, il a joué Belleville Rendez-Vous, en nomination pour la meilleure chanson originale.

Pour souligner cet anniversaire - et son retour à la guitare -, Benoît Charest a conçu un brillant projet: livrer sur scène l'intégralité de sa musique des Triplettes de Bellevile pendant la projection du film de Sylvain Chomet sur grand écran.

«Livrer la musique en synchronie avec le film représente un beau défi», dira Charest, que La Presse a rencontré il y a 15 jours dans son studio de la rue Mont-Royal en prévision du concert-projection de jeudi au Théâtre Jean-Duceppe. Sauf erreur, il s'agit d'une première au Festival de jazz où, par ailleurs, nous avons déjà eu le plaisir d'entendre François Bourassa «accompagner» des films muets à la Cinémathèque.

Ici, c'est «full synchro»: «Il faut que les gars soient réveillés», sourit «Big Ben» qui montera sur scène avec ce Terrible Orchestre de Belleville dans lequel il est bien difficile de trouver un endormi: Dan Thouin au piano, Chet Doxas, Maxime St-Pierre et Muhammad Abdul Al Kabyyr au sax, à la trompette et au trombone respectivement, Morgan Moore au violoncelle, Jim Doxas et Pietro Emaneau aux drums et à la percu. Terrible, en effet.

Benoît Charest explique qu'on a laissé dans la trame du film les effets sonores et les conversations des «madames», les plus célèbres triplettes de la planète: le film a remporté une Étoile d'or et un César (pour la musique de Charest) en France et un Génie ici, en plus d'être nommé deux autres fois aux César et trois fois aux Oscars. Mathieu Chédid, le grand -M- lui-même, chantait dans le générique de fin, mais le film nous avait surtout fait découvrir la voix unique de Béatrice Bonifassi, alors épouse légitime de Benoît Charest et toujours mère de leur fils. Les deux artistes n'ont pas souvent partagé la scène depuis, mais «Betty» sera là jeudi pour interpréter Belleville Rendez-Vous, comme elle l'avait fait aux Oscars. Belleville retrouvailles...

En tournée

Charest et son Terrible Orchestre en seront à leur quatrième prestation des Triplettes, eux qui ont lancé leur tournée fin mai au festival Guitares du monde de Rouyn avant d'aller donner leur ciné-concert au Palais Montcalm de Québec puis au Festival de jazz d'Ottawa, mercredi dernier. La semaine prochaine, le grand tandem des Triplettes s'arrêtera à Halifax puis aux Îles-de-la-Madeleine; des «dates» québécoises continuent de s'ajouter pour l'automne et Benoît Charest nous dit qu'un producteur français avait montré son intérêt à monter une tournée là-bas.

Entre-temps, le grand guitariste retrouve la scène avec plaisir. On l'a vu vendredi à l'ouverture de la série du Festival au Dièse Onze de la rue Saint-Denis où il s'est produit en trio avec Dan Thouin à l'orgue B3 - qui surchauffait - et John Fabroni à la batterie; un CD est prévu pour l'automne. «Oui, j'ai recommencé à jouer du jazz, confirme Benoît Charest. Je le vois dans mon compte de banque... qui baisse à vue d'oeil.»

Reste que le retour de Ben Charest sur scène constitue une bonne nouvelle pour les jazzophiles montréalais. Avec ou sans Les Triplettes de Belleville...

Benoît Charest et le Terrible Orchestre de Belleville au Théâtre Jean-Duceppe, jeudi à 21 h 30.