Été 2014. Ice Bucket Challenge, qui vise à faire connaître la maladie de Lou Gehrig, inonde les médias sociaux. La journaliste Michèle Ouimet propose de raconter, l'espace d'une chronique, une histoire qu'elle connaît bien : celle de son amie Marie-Josée, dont le mari vient d'être emporté par la maladie.

La chronique - un résumé brutal de la réalité d'une aidante naturelle - a beaucoup d'échos, si bien que les Éditions La Presse proposent à Marie-Josée Duquette et à Michèle Ouimet d'en faire un livre. Les deux amies acceptent de se lancer dans l'aventure.

Un an et une demi-douzaine d'allers-retours entre Montréal et Boston plus tard (Marie-Josée habite à Westwood, en banlieue de Boston), Histoire d'une vie trop courte sera publié demain. Le livre de 200 pages jette un éclairage cru sur le quotidien d'une aidante naturelle qui accompagne une personne condamnée par la maladie.

Marie-Josée Duquette y raconte ses quatre années au pays de Lou Gehrig, une maladie dégénérative qui paralyse les muscles du corps un à un. Elle y déballe à vitesse grand V sa rencontre avec Stephen Stokes (un intellectuel vif et charmant qu'elle a rencontré lors d'un voyage en Angleterre), la naissance de Laurence à peine 16 mois plus tard, leur courte vie commune en Nouvelle-Zélande (le pays de naissance de Stephen)... et le conflit qui s'ensuit.

Lorsque le diagnostic de la maladie de Lou Gehrig tombe, Marie-Josée est séparée de Stephen. Leur relation vient de se stabiliser après une guerre sans merci pour la garde de leur fille. Ils ont trouvé un équilibre : Marie-Josée vit à Montréal, Stephen vit à Boston, Laurence vit entre les deux.

En sachant Stephen condamné (l'espérance de vie ne dépasse pas cinq ans sans une trachéotomie), Marie-Josée Duquette prend une grande décision : celle de quitter Montréal pour s'installer avec le père de sa fille, à Westwood.

« Je n'aurais pas été capable de me regarder en face si je l'avais laissé seul, ici, en train de mourir », dit Marie-Josée Duquette, jointe hier à Westwood.

Lente descente aux enfers

Au début, elle ne peut s'imaginer que Stephen va se retrouver en fauteuil roulant, encore moins qu'il sera un jour complètement paralysé. « C'est ce qui est difficile avec cette maladie-là : en général, quand la personne apprend qu'elle a la maladie, elle marche encore. »

Ce qui devait arriver arrive. Le fauteuil roulant finit par remplacer la marchette, le tube d'alimentation finit par remplacer les repas en famille, le respirateur artificiel finit par remplacer le diaphragme. Une lente descente aux enfers, ponctuée par les sons anxiogènes du respirateur, par les sécrétions qu'il faut aspirer dans les poumons, par la bataille contre les assurances, par les visites d'urgence à l'hôpital, par l'éloignement de certains amis, par l'absence sans préavis de certaines infirmières à domicile...

Et, surtout, par la peur que Marie-Josée peut lire dans les yeux de Stephen, auprès de qui elle doit assurer une présence 24 heures sur 24.

Il n'était pas question, pour Marie-Josée Duquette et Michèle Ouimet, de romancer l'histoire.

« Il faut être franc : il n'y a pas grand-chose de positif dans une maladie comme ça. », admet Marie-Josée.

« Ce n'est pas un livre de Walt Disney ; c'est un livre qui décrit la réalité », dit Marie-Josée Duquette. (L'horreur de la maladie est adoucie par des anecdotes plus légères, dont cette fois où la mère de Marie-Josée a mangé un brownie sans savoir qu'il était cuisiné avec du cannabis...)

« Pour bien comprendre son quotidien, à quel point c'était stressant et lourd - elle devait en plus gérer sa fille -, il fallait donner ces détails-là, dit Michèle Ouimet. Marie-Josée posait des gestes lourds médicalement parlant. Si le respirateur bloquait, Stephen mourrait en trois minutes. Elle n'a eu qu'un petit cours de trois heures pour apprendre à l'utiliser, alors que les vendeurs d'électroménagers te remettent une bible ! »

En couchant ses souvenirs sur papier, Marie-Josée Duquette n'avait pas vraiment l'intention de passer un message. Le message lui est venu qu'une fois le livre terminé : c'est difficile, très difficile d'être aidant naturel.

« D'ailleurs, dit-elle, on devrait changer la terminologie : il n'y a rien de naturel dans tout ça ! C'est difficile de voir une personne souffrir, difficile de demander de l'aide. » Car l'aide, souligne Michèle Ouimet, il ne faut pas l'attendre du gouvernement.

PHOTO PATRICK SANFACON, ARCHIVES LA PRESSE

« Il faut être franc : il n’y a pas grand-chose de positif dans une maladie comme ça », explique Marie-Josée Duquette à propos de la maladie de Lou Gehrig, qui a emporté son mari.