Philip Selway serait-il le Phil Collins de Radiohead? Le batteur britannique, qui vient de lancer un deuxième album, Weatherhouse, sur lequel il chante ses propres compositions, pouffe de rire.

«Je suis juste le Phil Selway de Radiohead, répond au bout du fil le musicien qui jouera à Osheaga demain soir. J'ai toujours écrit des chansons depuis l'époque où j'ai commencé à jouer dans un groupe, mais je ne les ai jamais sorties. Pendant la première décennie de Radiohead, nous étions très occupés, je participais beaucoup aux arrangements et je voulais me concentrer sur mon travail de batteur. Ça a commencé à sortir au début de la trentaine. J'écrivais des chansons plus personnelles et la chose la plus naturelle à faire pour moi était un disque solo.»

N'empêche, un peu comme Collins est devenu le chanteur de Genesis presque par accident avant d'entreprendre la carrière solo que l'on sait, un concours de circonstances a poussé Selway à se mettre un peu plus en avant.

En 2001, Neil Finn, de Crowded House, l'a invité à participer aux spectacles du collectif 7 Worlds Collide. Quand Finn l'a relancé en 2009 pour un enregistrement de 7 Worlds Collide, Selway a soumis deux chansons qu'on peut entendre sur l'album double du collectif The Sun Came Out et sur son premier album solo, Familial, paru en 2010: The Ties That Bind Us et Witching Hour.

«Je suis retourné en Nouvelle-Zélande comme batteur, mais j'ai pu jouer quelques-unes de mes chansons à des musiciens que j'admirais vraiment et dont la réaction positive m'a stimulé à entreprendre une carrière solo, explique Selway. C'est là que j'ai fait la connaissance de Lisa Germano, de Sebastian [Steinberg, de Soul Coughing], de Glenn et Pat [Kotche et Sansone, de Wilco] qui ont donné vie aux chansons de mon premier album. Donc, oui, ce fut une expérience d'une importance incroyable.»

Délimiter son territoire

Familial était un disque tellement dépouillé qu'il donnait l'impression que Selway voulait se démarquer à tout prix de Radiohead. Pas du tout, assure-t-il. Il tenait surtout à mieux délimiter son territoire.

«Je suis très fier de ce que j'ai fait avec Radiohead, mais l'expérience solo me permet d'explorer des facettes différentes de ma personnalité musicale. Et Weatherhouse est très différent de Familial également», dit Philip Selway.

En effet, son deuxième album est plus texturé, plus riche, plus «arrangé». Il a été conçu avec les deux musiciens qui accompagnent Selway en tournée depuis quelques années, les multi-instrumentistes Adem Ilhan et Quinta, auxquels se joindra le batteur Otto Hauser demain soir.

«Je suis incapable de jouer de la batterie et de chanter en même temps», dit Selway qui, sur scène, joue de la guitare, du piano et un peu de percussions. C'est d'ailleurs lui qui sera au piano quand il chantera demain la très belle chanson It Will End in Tears, digne d'un mélodiste de talent.

«J'ai dû apprendre le piano pour jouer cette chanson avec les Dap-Kings à l'émission de Jimmy Fallon, l'automne dernier. C'était la toute première fois que j'en jouais. Pas pire endroit pour commencer!»

Selway n'avait pas fait de tournée de ce côté-ci de l'Atlantique à l'époque de Familial. Plus tôt cette année, il s'est produit à New York, au festival californien Coachella et dans quelques salles de la côte ouest des États-Unis, mais il en sera à son premier concert solo au Canada sur un site qu'il connaît bien pour y avoir joué deux fois avec Radiohead.

«Je revois très bien le paysage, même que je ressens encore les piqûres de moustiques», dit en riant le batteur qui, cette fois, ne se produira pas sur l'une des deux scènes principales, mais plutôt sur la petite scène des Arbres qui se prête mieux à ses chansons douces et atmosphériques.

De retour avec Radiohead

Comparativement aux textes des chansons de Radiohead, ceux de Selway sont plus simples et traitent surtout de relations amoureuses et de ruptures.

«Il y a une ligne narrative très forte dans mes chansons, et donc, oui, j'imagine que je raconte des histoires. Dans Radiohead, ça peut être un peu plus abstrait par moments. Moi-même, j'essaie encore de comprendre certaines des paroles», dit Selway en riant. Puis il ajoute: «Dans Radiohead, ce sont les textes de Thom [Yorke], et ce que nous proposons, lui et moi, est très différent.»

Son aventure solo pique la curiosité, concède Selway, mais ceux qui ont écouté ses disques savent qu'ils n'assisteront pas à un concert de Radiohead.

«Je veux défendre les mêmes valeurs musicales en solo qu'avec Radiohead, dit-il: faire de la musique de qualité et donner un concert intéressant.»

Chose certaine, l'aventure solo a insufflé à Phil Selway une confiance en ses moyens qui devrait profiter à Radiohead. Sitôt sa tournée terminée, il retrouvera ses camarades Yorke, O'Brien et les frères Greenwood pour l'enregistrement d'un album auquel ils ont travaillé par bribes depuis un an.

Une tournée devrait suivre, et l'équipe d'Osheaga rêve que Selway apprécie tellement sa présence au festival cette année qu'il nous ramènera Radiohead l'an prochain.

«On va avoir un emploi du temps plutôt chargé, dit Selway. J'espère que l'album sera terminé plus tôt que tard, mais on ne sait jamais. Je vais également commencer à penser à mon troisième album, brasser des idées...»

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Sur la scène des Arbres demain à 19h15, dans le cadre du festival Osheaga.