Les habitués de MUTEK ont découvert Matthew Herbert à l'époque de Bodily Functions, un des meilleurs albums de musique électronique parus en 2001. Le compositeur britannique avait déjà quelques opus à son actif. Aujourd'hui, il en compte 24!

Il vient présenter à Montréal deux projets d'envergure ainsi qu'un DJ set.

Non seulement a-t-on affaire à une des pointures de l'électro mondiale, mais encore on doit reconnaître la singularité de sa pensée. Herbert exclut tout repiquage de matériaux sonores préexistants. Les principes qui l'animent sont énoncés dans un manifeste intitulé Personal Contract for the Composition of Music, rendu public en 2000.

Le musicien s'inscrit en faux contre une mondialisation économique dominée par les grandes corporations, incluant celles de la musique enregistrée.

Son album One Pig, paru en 2011, illustre la vie d'un porc, de sa naissance à sa consommation. La musique y met en scène des sons prélevés durant l'existence entière de l'animal. Pour la première fois en Amérique, on en présentera l'incarnation sur scène.

«Le Pig Show a été présenté dans le monde plus de 30 fois, dit son concepteur. Nous avons eu beaucoup de plaisir à faire ce spectacle, même si la vedette du spectacle n'est pas présente... puisqu'elle a été mangée! Ce spectacle porte sur l'absence de son personnage principal.»

Droits des animaux

Quand One Pig est sorti, en 2011, des organisations de défense des droits des animaux ont protesté.

«On a présumé que je faisais du divertissement avec le sort réservé aux animaux de boucherie. Boire, rire et danser autour de cette vie de cochon? Je m'en étonne encore! Bien au contraire, j'essaie de donner une voix à cette existence. De manière plus générale, le message est simple: il faut écouter la vie avec plus d'attention, même celle des porcs.

«Ma musique parle de vie et de mort, comme le font tant de musiciens, que ce soit dans la musique sacrée, dans le folklore ou dans le heavy metal. Or, avec la révolution des microphones, magnétophones et échantillonneurs numériques, on peut enregistrer la vie et la mort d'un être et en faire de la musique.»

Le projet One Pig est-il une forme représentative de son oeuvre? Rien n'est moins sûr. De la musique technoïde avec groove (techno, house, etc.), Matthew Herbert passe allègrement à la recherche électroacoustique ou à la direction d'un big band!

DJ set et musique improvisée

À l'occasion de MUTEK, un DJ set de son pseudonyme Wishmountain et un programme de musique improvisée s'inspirant d'une explosion guerrière (The End of Silence) sont aussi au programme.

«Je suis plus intéressé par l'histoire que par la forme que prend cette histoire, indique-t-il. Après quoi, j'emprunte plusieurs chemins pour la raconter. En ce sens, je me sens plus proche des écrivains et des cinéastes que des compositeurs. Prenez le réalisateur Paul Thomas Anderson qui fait Magnolia un jour et Punch-Drunk Love le jour suivant.

«Je crains que les créateurs en musique deviennent de plus en plus redondants avec l'âge [les Rolling Stones, par exemple, font plus ou moins la même chanson depuis plusieurs décennies]. C'est un sentiment horrible, car je suis peut-être tombé dans le même piège! En tout cas, je connais très peu d'artistes dont la musique est devenue plus novatrice avec le temps. Tom Waits est l'un des rares cas.»

Matthew Herbert présente One Pig mercredi, 20h, au Monument-National. Il se produira aussi jeudi dans le cadre du programme Nocturne 2 au Métropolis. The End of Silence sera présenté samedi, 20h, au Monument-National.