Invitée en juin 2010 au Festival international de jazz de Montréal, Youn Sun Nah fait aujourd'hui l'objet d'un véritable buzz. Pour son concert dominical, les organisateurs l'ont déplacée de L'Astral au Théâtre Jean-Duceppe afin de répondre à une demande accrue des jazzophiles. Pour la Sud-Coréenne venue sur le tard à la profession de chanteuse, tout s'est passé lentement mais sûrement... et tout semble s'accélérer aussi sûrement.

On peut s'expliquer ce succès: voix d'alto puissante et passionnée, accessibilité du répertoire, choix intéressant de reprises, chansons originales plantées quelque part entre jazz pop et jazz contemporain. On peut deviner l'ascendant qu'elle exercera demain sur le public québécois, d'autant plus qu'elle parle un français plus qu'acceptable. Et pour cause: elle réside à Paris, a-t-on appris cette semaine lorsqu'on l'a jointe en Colombie-Britannique.

Son père est chef de choeur et très respecté en Corée du Sud, sa mère est actrice de théâtre musical. Née à Séoul en 1969, Youn Sun Nah a grandi dans un environnement propice à la carrière artistique, mais...

«J'ai d'abord étudié la littérature à l'université, puis j'ai travaillé dans la mode, après quoi j'ai participé à une comédie musicale. Cela m'a incitée à apprendre le chant jazz et à parfaire ma formation en France dès 1995. J'y suis restée près de six ans, j'ai ensuite vécu à Séoul jusqu'à ce que ma carrière décolle à l'étranger. Aujourd'hui, je vis à Paris, mais j'ai aussi un pied-à-terre dans mon pays, où je rentre régulièrement.»

Depuis 2001, Youn Sun Nah a lancé huit albums, mais ses trois derniers opus sous étiquette Act, soit Voyage, Same Girl et Lento, l'ont lancée sur la planète jazz. Lento... sûrement!

À Montréal, Youn Sun Nah se produira en duo avec le Suédois Ulf Wakenius, qui fut l'ultime guitariste de feu Oscar Peterson. «Ce concert sera intimiste, mais diversifié. Et Ulf est ravi de jouer au Canada, pour lui une seconde patrie», indique sa charmante collègue et employeuse. De Ghost Riders in the Sky (de Stan Jones, popularisée par Johnny Cash) et Hurt (Nine Inch Nails) au chant traditionnel coréen en passant par ses propres compositions ou celles d'Ulf Wakenius, Youn Sun Nah a construit un répertoire qui lui est propre.

«Je suis assez curieuse et je suis une éponge! J'absorbe et j'essaie ensuite de créer quelque chose de personnel. Lorsque j'ai commencé à chanter le jazz, j'ai tenté de reprendre les standards que chantaient Ella Fitzgerald ou Billie Holiday. J'ai tout de suite compris que je ne pourrais jamais faire comme elles. J'ai alors consulté plusieurs professeurs afin de déterminer de quelle manière je pourrais préciser mon expression. On m'a alors assurée que je pourrais faire mon propre jazz avec ma propre voix. Pour ce, on m'a fait écouter des chanteuses européennes comme Norma Winstone et Suzanne Abbuehl.»

Et l'angle asiatique?

«Bien sûr, j'essaie toujours de mettre une chanson coréenne dans chacun de mes albums. Le public adore, même s'il ne comprend pas le sens des mots. Par exemple, une chanson de rupture amoureuse peut être prise pour une berceuse!»

Youn Sun Nah et Ulf Wakenius se produisent au Théâtre Jean-Duceppe, ce dimanche à 21h30