Grande brindille blonde tatouée au regard perçant d'adolescente hyper lucide, Faith47 trace des têtes de chevaux à cornes d'antilope sur le mur d'un immeuble résidentiel du Plateau. « Cela fait partie d'une série où je vais dessiner des animaux imaginaires, des créatures fantastiques. »

Quelques heures plus tôt, jeudi, l'artiste sud-africaine avait atterri à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau afin de prendre part au festival Mural, après une longue traversée en provenance du Cap.

Un peu inquiète du temps gris qui plombait son ambition de réaliser sa murale en quatre jours (« on m'a dit que ce serait l'été ici ! »), Faith47 semblait néanmoins apprécier le côté « relax » de Montréal et trouvait jolis ces flocons de pollen qui flottent dans l'air depuis quelque temps...

Originaire du Cap, Faith47 est une autodidacte qui s'est initiée aux arts visuels en faisant des graffitis dans les banlieues au sud de la Cité Mère. C'était vers 1997, elle avait 16 ans et s'exécutait aux côtés de son petit ami de l'époque, avec qui elle a eu un fils, lui aussi graffiteur.

Établie au Cap, cette jeune vedette de l'art contemporain fait partie d'une cohorte très réduite de femmes muralistes et artistes de rue qui se démarquent par une esthétique unique et par leur appropriation de vastes espaces publics. Au Cap, sa murale iconique Harvest, située en bordure de la passante avenue de Waal, a servi à recueillir des fonds pour installer des feux de circulation dans un quartier du township de Khayelitsha.

L'artiste globe-trotteuse, qui a entre autres réalisé des oeuvres de street art à New York, Vienne, Porto Rico et Miami, a signé aussi plusieurs murales en Afrique du Sud. En 2014, elle s'est ainsi approprié le mur intérieur d'une usine abandonnée de la province du Free State, sur lequel elle a inscrit en grosses lettres le mot « LOVE ».

Dans un autre registre, elle a également créé une murale pour un vidéoclip de ses compatriotes de Die Antwoord, groupe de rap-rave.

Visionnez le clip Pitbull Terrier de Die Antwoord

« Sur le plan philosophique, je pense que l'art public est très sain pour la collectivité. Et il y a quelque chose d'extraordinaire à peindre sur un vaste mur ; on pourrait même dire que ça témoigne d'une certaine arrogance. » - Faith47

La jeune femme, qui désespère un peu du conservatisme de sa ville natale, continue malgré tout de s'engager. En août 2013, elle a par exemple joint sa voix à celles de plusieurs artistes locaux qui revendiquaient le droit de repeindre un slogan historique, « FREE MANDELA », effacé par les autorités de la ville du Cap.

Exubérance et confidentialité

Motivée par l'accomplissement de vastes projets artistiques - après le festival Mural, elle ira réaliser une très grande murale à New York -, Faith47 protège jalousement son anonymat. Si ses oeuvres sont abondamment diffusées sur Instagram, elle-même n'aime pas trop être photographiée.

Elle tient un compte Twitter, mais n'accorde que très peu d'entrevues et refuse d'expliquer l'origine de son nom d'artiste.

Chez elle, au Cap, Faith47 travaille surtout dans son studio et se dit frustrée par les politiques restrictives de sa ville. Elle trouve Johannesburg plus intéressante et estime que, culturellement, c'est dans la capitale du pays que ça se passe vraiment : « D'ici cinq ans, je vois Jo'Burg devenir une plaque tournante de l'art contemporain. »

Lectrice de Naomi Klein, grande voyageuse, elle se dit intéressée par la psyché humaine. « J'ai le sentiment que la situation politique mondiale est à l'image d'un chaos général qui ne s'améliore pas. Je préfère partir d'une intériorité, parce qu'ultimement, les slogans de base comme "fin au racisme", ça ne change rien ! »

Le festival Mural a pris fin hier. On peut admirer la murale de Faith47 dans la rue Clark, au sud de Prince-Arthur.

Situez la murale de Faith47 sur une carte 

Consultez le compte Twitter de Faith47 : 

Consultez le site du festival

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La mural de Faith 47, La puissance psychique des animaux, se situe à l'angle de Clark et Prince-Arthur Ouest.