La directrice du musée Igor Savitsky, abritant au fin fond des steppes ouzbèkes la deuxième plus grande collection d'avant-garde russe, a été limogée après la publication d'une lettre anonyme l'accusant de vol de tableaux, ont dénoncé jeudi ses collègues, protestant contre la décision des autorités.

«Nous voulons attirer l'attention de la société sur le limogeage illégitime de notre directrice», Marinika Babanazarova, ont écrit les employés du musée Igor Savitsky, dans un message disponible jeudi sur sa page officielle Facebook. «Le collectif du musée n'est pas d'accord avec cette (décision) arbitraire», ont-ils souligné.

Situé à Noukous, une ville perdue au milieu des steppes et des déserts du nord-ouest de l'Ouzbékistan, le musée Igor Savitsky abrite environ 90 000 tableaux et objets d'art, dont plus de 50 000 tableaux d'avant-garde russe et soviétique, soit la plus grande collection du genre après le Musée russe de Saint-Pétersbourg, en Russie.

Peintre et collectionneur, Igor Savitsky avait été nommé directeur du Musée des Beaux-Arts à Noukous en 1966. Après cette nomination, il n'avait cessé de défier les autorités soviétiques en réunissant en cachette dans ce musée des milliers de toiles de l'avant-garde russe et soviétique, officiellement interdites en URSS, les sauvant ainsi de la destruction.

En 1984, à la mort de Savitsky, Marinika Babanazarova avait pris sa succession à la tête du musée. Elle était très appréciée par les spécialistes de la peinture d'avant-garde, notamment pour sa détermination à protéger ce musée iconoclaste des appétits des acheteurs.

À 59 ans, elle a été limogée après la publication dans des médias étrangers d'une lettre anonyme l'accusant d'avoir volé des tableaux authentiques et de les avoir remplacés par des faux.

Les auteurs de la lettre «ont tenté de manière cynique et malhonnête de salir le nom de Marinika Babanazarova (...) et déformé grossièrement les résultats des inventaires», accusent ses collègues.

«Les conservateurs du musée affirment en toute certitude que toute la collection est saine et sauve», soulignent-ils, en appelant le ministère ouzbek de la Culture à ouvrir une enquête afin d'éclaircir cette affaire.

Ils demandent également de trouver les auteurs de la lettre anonyme et de les poursuivre en justice, ainsi que de publier un démenti officiel des accusations visant Mme Babanazarova dont la «probité ne fait aucun doute».