Israël a vivement et formellement protesté contre le soutien financier apporté par la Suisse à une exposition montée par une organisation très critique des agissements de son armée, ont indiqué les Affaires étrangères mercredi.

La ministre israélienne adjointe des Affaires étrangères Tzipi Hotovely a ordonné à ses services et à l'ambassade à Berne d'étudier immédiatement les moyens de s'opposer à l'ouverture, prévue jeudi à Zurich, de l'exposition de l'organisation «Briser le silence», a dit à l'AFP le porte-parole des Affaires étrangères Emmanuel Nahshon.«Briser le silence» est l'une des bêtes noires du gouvernement israélien et de l'armée. Elle offre sous le couvert de l'anonymat une plateforme aux soldats israéliens pour raconter leur vécu et dénoncer les agissements selon eux condamnables.

«Nous ne pouvons accepter les agissements d'une organisation dont le but est de salir les soldats de l'armée israélienne sur la scène internationale et de porter gravement atteinte à l'image d'Israël», a dit la ministre, selon des propos rapportés par son ministère.

L'ambassadeur d'Israël à Berne a exprimé auprès des Affaires étrangères suisses «l'indignation» israélienne, a précisé le porte-parole.

Interrogées par l'AFP, les Affaires étrangères suisses ont expliqué avoir pour principe de ne pas s'exprimer sur des entretiens entre diplomates.

Elles ont confirmé avoir octroyé à l'exposition une aide de l'ordre de 15 000 francs suisses (17 000 $). La municipalité de Zurich a dit, elle, avoir contribué à hauteur de 10 000 francs suisses.

«Briser le silence» s'est encore attiré les foudres officielles en mai en publiant un document accusant l'armée israélienne d'avoir causé un nombre sans précédent de victimes civiles en recourant à la force sans discrimination pendant la guerre de Gaza en 2014.

L'exposition se veut le reflet de la réalité quotidienne en Cisjordanie, territoire palestinien soumis à l'occupation de l'armée israélienne.

Ce n'est pas la première fois qu'Israël dénonce un soutien apporté par l'étranger à «Briser le silence», a rappelé la presse israélienne. Il l'a fait par le passé avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas par exemple.

La ville de Zurich savait que l'exposition pouvait faire «l'objet de débats», a dit le porte-parole des finances de la municipalité, Patrick Pons. Elle a donc «bien réfléchi» et «trouvé qu'elle était équilibrée», a-t-il ajouté.

«Cette exposition informe et pose des questions sur des opinions communes et ouvre des possibilités de dialogue», a-t-il argumenté.

Andrea König, la directrice du Kulturhaus Helferei, l'organisation qui accueille l'exposition, s'est dite «étonnée» par l'ampleur des réactions.

«Je m'attendais à des réactions car tout le monde sait c'est que c'est un sujet sensible. Mais je ne m'attendais pas à ce que cela prenne une telle dimension», a-t-elle confié à l'AFP.

Le Kulturhaus Helferei s'est efforcé d'organiser un débat équilibré, a-t-elle insisté, notamment en organisant une série de tables rondes.

«Nous avons accepté cette exposition à condition d'organiser un programme autour et de donner la parole aux gens qui ne sont pas d'accord avec Briser le silence», a-t-elle expliqué.

«On a très tôt contacté des organisations juives à Zurich, nous avons débattu avec elles, on les a invitées à participer aux discussions», a-t-elle précisé.

L'organisation a d'ailleurs proposé à l'ambassade d'Israël de participer mais celle-ci a décliné l'invitation, a-t-elle ajouté.

Mercredi, des membres de «Briser le silence»  s'affairaient aux derniers préparatifs, répétant les présentations qu'ils donneront aux visiteurs.

«Nous pensons qu'il y a un écart entre ce que les Israéliens et la communauté internationale savent sur ce qui se passe et ce qui se passe vraiment là-bas», a expliqué Shay Davidovich, qui a servi pendant trois ans dans l'armée israélienne.

Les membres de Briser le silence se sont défendu de vouloir ternir l'image de leur pays, expliquant qu'ils voulaient donner une voix aux soldats pour ouvrir le dialogue.

«C'est quelque chose de déplaisant dont personne ne veut parler», a jugé Yuli Novak.

«En tant qu'Israéliens et en tant que patriotes, nous devons le faire», a-t-elle affirmé.