Les collectionneurs du monde entier se pressent cette semaine en Suisse où se tient la 44e édition d'Art Basel, la plus grande foire internationale d'art contemporain.

Mercredi, 110 jets privés sont attendus au départ et à l'arrivée de l'aéroport de Bâle-Mulhouse qui a déjà enregistré 83 mouvements la veille malgré une grève qui a réduit sa capacité d'accueil, contraignant les riches amateurs d'art à réorganiser leurs plans de vols pour se rendre à cet immanquable rendez-vous.

Plus de 1000 galeries ont postulé pour participer à l'événement, seules 304 d'entre elles ayant toutefois obtenu le précieux sésame pour présenter leurs pièces aux collectionneurs.

Les organisateurs de la foire, soucieux d'entretenir sa réputation, opèrent chaque année une sélection drastique bien que le complexe qui accueille le salon se soit agrandi après de vastes travaux de rénovation menés par les architectes bâlois Herzog et de Meuron.

Cette année, Art Basel a notamment consacré davantage d'espace à la section dite Unlimited, consacrée aux oeuvres monumentales.

«Nous avons 79 projets, soit 12 de plus que ce nous avions avant. On pourrait véritablement passer une journée entière dans le secteur Unlimited, ce qui pour certaines personnes est véritablement la chose la plus intéressante à faire», a déclaré Marc Spiegler, le directeur d'Art Basel, lors d'un entretien avec l'AFP.

Le public pourra venir y admirer des installations des plus grandes signatures de l'art contemporain, tels que le chinois Ai Weiwei ou le britannique Antony Gormley, mais également d'artistes plus confidentiels.

«C'est un endroit formidable pour mettre l'accent sur un artiste spécifique et sur une partie de son travail», a expliqué Ashley Rawlings, directeur de la succursale japonaise de Blum & Poe, une galerie de Los Angeles.

Celle-ci présente cette année une installation de Nobuo Sekine, un artiste japonais issu du mouvement Mono-Ha, un groupe conceptuel de la fin des années 1960.

La galerie entend ainsi mettre en valeur cet artiste qui compte parmi les plus importants de l'après-guerre au Japon mais reste relativement peu connu en dehors de l'Archipel.

«Nous espérons qu'une institution majeure sera intéressée par une acquisition de son oeuvre», a précisé Ashley Rawlings.

Bien que ces pièces colossales aient surtout vocation a trouver leur place dans des musées ou de très grandes collections, Unlimited est vite devenu un passage obligé pour les habitués d'Art Basel qui viennent déambuler entre les pièces gigantesques avant d'aller faire leurs emplettes.

«Je commence ici parce j'ai encore la tranquillité», a confié Marco Stoffel, un collectionneur originaire de Lucerne, qui revient chaque année depuis vingt ans.

Le calme qui règne dans cette partie du salon, lui conférant des allures de musée, tranche nettement avec le bouillonnement dans le hall réservé aux galeries d'art, qui alignent leurs plus belles toiles pour attirer l'attention des acquéreurs potentiels.

Dans cette seconde partie de la foire, les affaires débutent dès la première heure.

«Il y a eu un buzz immédiatement. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui se vendent», a indiqué Tim Marlow, directeur des expositions chez la galerie londonienne White Cube, qui avait déjà écoulé plusieurs pièces dès mardi après-midi alors que la foire venait juste d'ouvrir ses portes aux invités de prestige.

«Nous avons vendu deux peintures de Sergei Jensen, un Tracey Emin, nous avons vendu ce Mark Bradford pour 725 000 $», a-t-il énuméré, tout en pointant un collage de cet artiste américain.

«Et il y a un intérêt sérieux pour le cabinet de médicaments de Damian Hirst à 4 millions de livres», a-t-il poursuivi.

Art Basel accueillera le public du 13 au 16 juin mais consacre auparavant deux journées aux VIP, leur offrant ainsi un premier choix sur les oeuvres.

«Il faut être là le premier jour et courir entre les stands sur lesquels on est intéressé», a expliqué Annka Kultys, une collectionneuse suisse basée à Londres qui s'arrêtait à Bâle avant de se rendre à la Biennale de Venise.

«Je sais exactement ce que je veux, où je veux aller quand je viens ici, quelle galerie je veux voir, quel artiste», a-t-elle ajouté.

Malgré la crise économique, le marché de l'art est en pleine effervescence, les pièces de collection étant considérées comme un investissement permettant de diversifier les placements pour les grosses fortunes.

Selon Artprice.com, un site français spécialisé sur les données sur le marché de l'art, le produit des ventes aux enchères au niveau mondial a plus que doublé depuis le point bas de 2009, pour dépasser la barre des 8 milliards d'euros en 2012.

Et pour Philip Hoffman, le directeur général du Fine Art Fund Group, une société de gestion de fonds spécialisée sur l'art, les perspectives restent positives pour les années à venir.

Environ 5% des grosses fortunes investissent aujourd'hui dans l'art, a-t-il souligné, précisant qu'il s'attend à ce que cette proportion grimpe à 40% au cours des dix prochaines années.

«Alors imaginez l'impact que cela va avoir sur certaines de ces oeuvres d'art du plus haut niveau que nous voyons ici aujourd'hui», a-t-il affirmé.