Des résidants qui se font traiter de «pas toute là» ou de «folle». Des préposés qui décident de ne pas faire marcher certains résidants «parce que ça ne leur tente pas». Des rembourrages placés dans les culottes d'incontinence pour repousser le moment du changement. De nombreuses lacunes ont été observées au Centre d'hébergement Harricana en Abitibi-Témiscamingue.

Dans un rapport dévastateur publié ce matin, le Protecteur du citoyen, estime que « ces lacunes créent un préjudice grave aux résidants et nécessitent la mise en place de mesures énergiques de la part du Centre ».

Au mois de juin, deux enquêteurs se sont rendus de façon non annoncée au Centre Harricana. Ils ont détecté de nombreuses lacunes dans cet établissement qui héberge 100 résidants âgés en perte d'autonomie. Ils ont noté plusieurs anomalies, particulièrement au 4e étage où sont accueillis les résidants en lourde perte d'autonomie. Les enquêteurs déplorent notamment l'usage de mesures de contrôle inappropriées, le peu d'empathie dont font preuve certains employés et le fait que des représailles soient exercées par le personnel.

Certains employés tiennent par exemple des propos inadéquats envers les résidants en les traitant de «menteuse», de «folle» ou de «pas toute là». L'infirmière responsable du 4e étage du Centre Harricana est particulièrement ciblée dans le rapport. On note que celle-ci blasphème et crie sur l'étage. Elle fait preuve d'irrespect en disant «viens-t-en par icitte» ou «hey, ôte-toi de là!». Elle a également commis plusieurs fautes  en modifiant la médication de certains résidants. La situation était si préoccupante que le Protecteur du citoyen a formulé une plainte en déontologie à l'Ordre des infirmières.

Des couches souillées

Plusieurs lacunes ont également été détectées au niveau des soins au Centre Harricana. Certains résidants qui demandent d'aller aux toilettes se font plutôt dire de faire leurs besoins dans leur culotte d'incontinence. Les appareils auditifs et les lunettes des personnes en lourde perte d'autonomie ne leurs sont pas fournis sous prétexte que cela n'est pas nécessaire « dans l'état où ils sont rendus». 

À plusieurs reprises durant la journée, les employés du Centre Harricana effectuent des « pauses informelles » au poste de garde plutôt que de s'occuper des résidants, note le Protecteur. «Ces pratiques de soins font en sorte que des résidants en position de vulnérabilité subissent une prise en charge inadéquate de leurs besoins et un profond manque de respect à l'égard de leur dignité », écrit le Protecteur du citoyen dans son rapport.

Un problème qui dure

Dans son rapport, la Protectrice du citoyen, Raymonde St-Germain, mentionne que la situation au Centre Harricana « est connue du personnel de gestion depuis plusieurs années ». Par exemple, les problèmes disciplinaires de l'infirmière du 4e étage étaient connus depuis 2009. La chef d'unité du 4e étage n'a toutefois rien fait pour régler le problème, bien au contraire, déplore le Protecteur du citoyen.

En juin 2014, la Commissaire aux plaintes locales émettait des recommandations afin de redresser la situation. Mais aucun suivi n'a été fait.

En point de presse cet après-midi, le président du CISSS, Jacques Boissonneault, a qualifié le rapport de «troublant», tout en assurant aux familles que des mesures de corrections sont déjà en place. Une réorganisation « en profondeur » de l'organisation du travail est amorcée. Une employée a également été suspendue aux fins d'enquête.