Plutôt que d'encadrer les frais médicaux accessoires qui sont facturés en cabinet privé et de légitimer ainsi le fait que les patients doivent payer pour certains soins, le gouvernement du Québec devrait s'attaquer aux examens faits inutilement et aux traitements excessifs, estime l'Association médicale du Québec.

L'AMQ a fait cette sortie, jeudi, alors que le ministre de la Santé et des Services sociaux Gaétan Barrette a prévenu qu'il légiférerait sur cette question des frais accessoires. Il s'agit de frais que les médecins peuvent exiger aux patients pour des soins ou examens pratiqués en cabinet privé. Ceux-ci se sont multipliés au cours des dernières années, suscitant plusieurs controverses.

Le ministre veut légiférer pour encadrer cette pratique afin d'éviter les abus, les frais trop élevés par exemple. Mais en encadrant ces frais, il se trouvera à en reconnaître la légitimité et ceux-ci pourront alors être généralisés, déplore l'Association médicale du Québec.

«On salue la transparence et le courage du gouvernement de reconnaître qu'il y a un problème, que ça existe et qu'actuellement, ça amène un système à deux vitesses. On salue l'intention de vouloir apporter un encadrement juridique, mais en même temps, on parle de normaliser les frais accessoires. Donc, pour moi, la normalisation des frais accessoires implique de considérer que ce sont des frais normaux, donc acceptables. Et selon l'Association médicale du Québec, ça va à l'encontre des principes d'universalité et de gratuité. On est en train de franchir un pas qu'on n'avait pas franchi avant», a souligné en entrevue la présidente de l'AMQ, la docteure Yun Jen.

La Loi canadienne sur la santé exige en effet l'universalité et la gratuité des soins médicalement requis. Le gouvernement fédéral pourrait donc réduire les paiements de transfert en santé versés au Québec si le système de santé public n'y est pas jugé universel et gratuit.

L'AMQ invite plutôt le ministre de la Santé à «contrer le surdiagnostic et le surtraitement et à revoir le panier de services afin d'éliminer les interventions qui ne sont pas médicalement nécessaires». La docteure Yen cite l'exemple des examens annuels complets qui sont prescrits inutilement, des rayons X trop souvent prescrits pour des maux de dos de brève durée et des antibiotiques qui sont encore prescrits pour des rhumes et grippes.

«On sait, à travers des études, qu'il y a beaucoup de services médicaux qui sont offerts et qui sont considérés maintenant non pertinents. Et je pense que l'ampleur de ces services-là est beaucoup plus grande qu'on le pensait. On sait, à travers une étude qui a été effectuée aux États-Unis, qu'on estime qu'il y a environ 18% à 39% des services qui sont offerts dans le système de santé qui ne sont pas pertinents, c'est-à-dire qu'ils ne donnent pas les résultats de santé qu'on escompte. Donc, il y a effectivement beaucoup de services qu'on pourrait couper dans les services offerts dans le régime public. Et si on les coupait, on ne nuirait pas à la santé des patients», a estimé la docteure Jen.

Selon des projections qu'elle cite, les autorités de la Santé pourraient ainsi récupérer entre 3 et 5 milliards $, soit bien plus que le coût présumé des frais accessoires, évalués à 50 millions $.