Encore au stade de l'expérimentation, la greffe de cornée in vitro cultivée par l'équipe de Lucie Germain pourrait bien aider plusieurs personnes à retrouver une meilleure vue. «Nous avons reçu toutes les approbations nécessaires de Santé Canada, souligne Mme Germain. Nous étudions présentement les résultats obtenus à la suite des premières greffes. Tout se déroule bien jusqu'à maintenant.»

Depuis les deux dernières années, sept personnes ont déjà subi l'opération. Huit autres interventions sont prévues d'ici la fin de 2015. En tout, c'est 15 patients qui pourront obtenir une greffe de cornée cultivée en laboratoire. «Un nombre déterminé par Santé Canada», précise la chercheuse.

Directrice de l'Axe médecine régénératrice du centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ), professeure à la faculté de médecine de l'Université Laval et directrice scientifique du Centre d'organogénèse expérimentale de l'Université Laval (LOEX),

Lucie Germain a consacré les 15 dernières années à plusieurs projets de recherche en génie tissulaire, tous axés sur l'utilisation des cellules souches.

La scientifique et ses collègues du LOEX cultivent aussi de la peau dans le but de soigner les grands brûlés. La greffe de cornée in vitro serait une seconde application importante pour le laboratoire. Le LOEX travaille aussi à reconstruire d'autres organes tels que des vaisseaux sanguins, des ligaments et même des bronches.

Empêcher le rejet

Travailler à partir de cellules souches empêche le rejet de la cornée par l'organisme. «On retire de l'oeil en santé quelques cellules qui seront cultivées de 14 à 28 jours en laboratoire. On greffe ensuite la nouvelle cornée dans l'oeil malade du patient», explique Lucie Germain.

Cette nouvelle technique pourrait bien remplacer le type d'intervention utilisé actuellement dans les centres hospitaliers. «Pour l'instant, on doit prélever de l'oeil en santé de grands morceaux de la surface où se concentrent les cellules souches. On retire autour de 40% des cellules c'est énorme et on les greffe immédiatement dans l'oeil malade. Cette façon de faire est plus risquée puisqu'elle affaiblit également l'oeil en santé.»

Toutes les greffes de cornée in vitro ont été réalisées à l'hôpital du Saint-Sacrement par le Dr Richard Bazin et son équipe. Si les résultats restent concluants, la greffe de cornée de culture pourrait bien être offerte sur une base régulière. «Mais ça prendra encore quelques années», prévient la chercheuse.

Lucie Germain se réjouit tout de même déjà de constater que ses travaux sur la cornée in vitro pourraient aider plusieurs personnes. «La meilleure récompense pour un scientifique est de voir ses recherches déboucher sur une application bénéfique pour des patients malades. C'est pour eux que l'on fait tout ça.»