Doit-on recommencer le choix du gestionnaire de l'amphithéâtre de Laval en raison du changement d'emplacement? Oui, répondent deux professeurs de droit que La Presse a consultés.

La question est tout sauf théorique puisque Québecor, qui a perdu en février aux mains d'evenko l'appel d'offres pour la gestion de l'amphithéâtre, poursuit la Cité de la culture et du sport de Laval afin qu'elle lance un nouvel appel d'offres. Comme le sol du terrain retenu initialement était trop instable, la Cité a décidé de construire la Place Bell plus à l'est, à 1 km du premier terrain, près du métro Montmorency.

Deux professeurs de droit municipal pensent aussi que la Cité, l'organisme paramunicipal responsable de l'amphithéâtre, devrait lancer un nouvel appel d'offres. «Le terrain est une condition assez fondamentale de l'appel d'offres, dit Marc-André LeChasseur, professeur de droit municipal à l'Université McGill et avocat en pratique privée chez LeChasseur Avocats. evenko a aujourd'hui le bénéfice d'une situation différente de celle qui avait cours au moment de l'appel d'offres.»

«Ce n'est pas un cas clair, mais les prétentions de Québecor semblent raisonnables a priori, dit Guillaume Rousseau, professeur de droit à l'Université de Sherbrooke. Pour un centre d'enfouissement, la Cour supérieure a décidé qu'un changement de lieu était assez important pour exiger un nouvel appel d'offres. Cela dit, le juge aura une marge de manoeuvre, car il n'y a pas de cas très semblables dans la jurisprudence, la gestion de grands amphithéâtres étant un cas relativement nouveau au Québec.»

Un troisième expert en droit municipal consulté par La Presse doute davantage des chances de Québecor d'obtenir un nouvel appel d'offres. «Une entreprise qui n'aurait pas participé au premier appel d'offres aurait davantage de chances», dit Me Louis Beauregard, chargé de cours au MBA à l'UQAM qui compte 28 ans de pratique en droit municipal.

Volte-face de Laval?

Selon Québecor, un amphithéâtre situé près des transports en commun permettrait de hausser sa fréquentation et sa rentabilité, ce qui lui permettrait de hausser son offre financière - qui compte pour 20% de la note des soumissionnaires. La méthode de calcul de l'offre financière donne aussi des points à la deuxième offre en se basant sur l'écart avec l'offre plus élevée.

La Cité croit au contraire que le nouveau terrain n'est pas un changement substantiel des conditions de l'appel d'offres. «La clientèle de la Place Bell va venir davantage de la couronne nord. Ces gens-là vont venir en voiture, et le fait que l'amphithéâtre soit 1 km plus loin n'a aucune influence», dit Eric Oliver, l'avocat de la Cité.

Dans une lettre envoyée à Québecor le 6 novembre dernier, la Cité a écrit qu'elle «entend[ait] rouvrir» l'appel d'offres seulement pour l'offre financière (comptant pour 20%) après avoir obtenu le «consentement inconditionnel» de tous les soumissionnaires (Québecor et evenko), et que la Cité serait «bien fondée» de considérer qu'un soumissionnaire n'ayant pas donné son consentement refusait de soumettre une offre révisée. Dans une lettre subséquente le 27 novembre, la Cité a toutefois annoncé à Québecor qu'il n'y aurait pas de nouvel appel d'offres parce que le changement d'emplacement ne «constitue pas une modification du contrat». «[La première lettre du 6 novembre] n'était pas une admission qu'il fallait faire un autre appel d'offres, mais une tentative de s'entendre à l'amiable avec les soumissionnaires qui n'a pas été concluante», dit Eric Oliver, l'avocat de la Cité.

De plus, la Cité a indiqué ne pas avoir pu obtenir l'accord de l'ensemble des soumissionnaires pour rouvrir l'appel d'offres après le changement d'emplacement. Selon nos informations, evenko aurait refusé de rouvrir l'appel d'offres. Et Québecor? La principale intéressée et la Cité ne s'entendent pas. Québecor dit avoir accepté de rouvrir l'appel d'offres - un représentant de Québecor Média a signé une autorisation écrite à cet effet. Mais Québecor exigeait, dans sa lettre à la Cité, d'avoir accès aux informations données depuis un an à evenko, ce qui a fait conclure à la Cité que l'acceptation de Québecor n'était pas inconditionnelle.

Le litige entre Québecor et la Cité est maintenant devant les tribunaux. Québecor Média a perdu la première manche le mois dernier quand le juge Pierre Tessier, de la Cour supérieure, a rejeté sa demande d'injonction provisoire au motif qu'elle «n'établit pas de façon claire ou même douteuse que le nouveau site doit provoquer la réouverture de tout le processus». La poursuite doit encore être entendue sur le fond.