Le Conseil supérieur de la langue française (CSLF) donne des munitions au projet de loi 14 du gouvernement péquiste. Dans son avis rendu public mercredi, il soutient que les lois actuelles ne permettent pas de protéger suffisamment la langue publique commune, et propose 27 recommandations.

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L'organisme ne peut se prononcer sur une question politique comme le projet de loi 14, qui vise à renforcer la Charte de la langue française. Son rôle est de formuler des recommandations. Il note une «convergence frappante» entre des éléments du projet de loi péquiste et ce qu'il propose. Son président, Robert Vézina, voit dans le projet de loi péquiste «une approche globale, et dans une certaine mesure cohérente, qui va tout à fait dans le sens de notre avis».

Déclin du français au travail

La «préoccupation principale» du CSLF est le «déclin» du français dans le milieu du travail. Il recommande que les entreprises de 25 à 49 employés «soient soumises à une démarche de francisation obligatoire». Ces petites entreprises ont toutefois des moyens limités, reconnaît le Conseil, qui propose d'utiliser une formule «allégée et souple». Il voudrait aussi «mieux encadrer» le processus de certification qui existe déjà pour les entreprises de 50 employés et plus.

En 2010, 64,7% des employés des PME et 55% de ceux des grandes entreprises utilisaient «généralement» (90% du temps ou plus) le français au travail. C'est beaucoup qu'en 1989, alors que la proportion était respectivement de 74,6% et 66,7%. Pendant ce temps, le bilinguisme au travail augmente, s'inquiète le Conseil. Or, le bilinguisme «ne peut ni ne doit devenir une exigence systématique», prévient-il. Le bilinguisme au travail nuit selon lui à l'effort de faire du français la langue publique commune. Il nepermet pas aux allophones de comprendre que le français est «utile et permet d'améliorer leur sort».

Le Conseil souhaite aussi qu'on trouve des moyens de protéger le français dans les entreprises de compétence fédérale, comme les banques et les télécommunications, qui ne sont pas assujetties à la loi 101.

Sans vouloir commenter la tempête médiatique autour du «pastagate», le Conseil «ne croit pas» que cela nuirait à la légitimité de l'Office québécois de la langue (OQLF), qui doit faire respecter les lois linguistiques.

Il note toutefois de «l'ignorance» chez les employeurs sur le droit de travailler en français. Un travail de «sensibilisation» est nécessaire, estime-t-il.

La première ministre Pauline Marois a brièvement réagi à l'avis ce matin en marge d'une annonce au Musée Pointe-à-Callière. «Nous croyons qu'il faut renforcer toutes les mesures qui concernent la langue française, donc ça va dans le sens de ce que nous voulons faire», a-t-elle indiqué.

«Honnêtement, c'était assez ridicule, cette histoire-là, qu'on aille s'occuper des pastas, a-t-elle ajouté au sujet de la controverse entourant l'OQLF. Mais on va s'occuper de la langue française, on a pas mal de boulot à faire de ce côté-là.»

Son gouvernement minoritaire aura toutefois de la difficulté à faire adopter le projet de loi. Les libéraux s'y opposent et la Coalition avenir Québec a posé ses conditions cette semaine.

Plus de français dans les cégeps anglophones

Le Conseil s'était déjà opposé à l'application de la loi 101 aux cégeps. Il croit par contre que les étudiants de ces cégeps devraient y améliorer leur connaissance du français. Une certaine maîtrise du français devrait-elle être conditionnelle à l'octroi des diplômes? «C'est une idée qui devrait être envisagée», répond M. Vézina, qui n'a toutefois pas voulu le proposer officiellement.

Le Conseil note toutefois que les allophones fréquentent maintenant davantage les cégeps francophones. Une proportion de 53% des cégépiens allophones étudiants dans le réseau français en 2010, contre 41,2% en 2001.

Mieux franciser les immigrants

Le Conseil souhaite aussi que le ministère de l'Immigration dispose des «moyens nécessaires» - qu'il ne veut pas chiffrer - pour mieux franciser les nouveaux arrivants. Il faudrait en outre que le délai pour s'inscrire à un cours soit «le plus court possible».

Dans les cinq dernières années, plus de 91 000 immigrants nouveaux arrivants, soit plus de 37% du nombre total, ne connaissent pas le français à leur arrivée.

Le nombre de transferts «partiels ou complets» vers le français a toutefois augmenté, de 34,7% en 2001 à 40% en 2011. Durant la même période, ces transferts vers l'anglais ont diminué, de 34% à 30%.

La qualité de la langue

Pour protéger le français, le Conseil cible aussi les francophones. Le Conseil rappelle qu'en 2003, plus d'un Québécois sur deux ne réussissait pas à comprendre un texte «relativement dense et long». Pour améliorer la maîtrise du français, l'avis recommande de «renforcer les mesures de soutien linguistique» dans les cégeps francophones.