Une vaste mobilisation syndicale s'organise dans les magasins Walmart du Québec, où le syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC-FTQ) recrute des «poteaux» parmi les employés mécontents pour monter une organisation militante calquée sur le modèle américain OUR Walmart, a appris La Presse.

«Nous sommes présents dans une trentaine de magasins avec plus d'une centaine d'employés [recruteurs] qui font du travail sur le terrain, confirme Nicolas Lemieux, conseiller syndical au dossier. Le message commence à circuler. Le mouvement prend de l'ampleur.»

Il s'empresse toutefois d'ajouter que l'organisation québécoise NOTRE Walmart, qui a vu le jour il y a six mois, «n'est pas directement un syndicat» et qu'il n'est pas question pour les TUAC de se lancer dans une nouvelle campagne de syndicalisation. Il rappelle que le syndicat s'est cassé les dents, depuis 2005, en tentant de syndiquer les employés de quelques magasins, notamment celui de Jonquière.

«Nous voulons intervenir autrement pour éviter d'avoir à nous retrouver constamment devant les tribunaux, en raison de contestations systématiques venant de Walmart, qui fait appel à ses armées d'avocats, précise-t-il. Nous avons une nouvelle stratégie. Nous souhaitons plutôt aider les employés à se regrouper. Pour ce faire, nous allons les former, les accompagner et les soutenir. Le jour où ils voudront se syndiquer, c'est eux qui prendront la décision. Il faudra que ça vienne de la base.»

Il vient de passer une semaine à Washington, siège du mouvement américain OUR Walmart. L'organisation est implantée dans 40 États et 600 magasins et est parrainée par le puissant syndicat international UFCW (United Food and Commercial Workers).

«Aux États-Unis, dit-il, les employés des magasins Walmart ne sont pas syndiqués, tout comme au Québec, mais ils peuvent compter sur les conseils et l'expertise syndicaux pour améliorer leurs conditions de travail. Ça donne des résultats. Ils n'hésitent plus à manifester leur désaccord et à porter des t-shirts identifiés à leur organisation quand c'est nécessaire.»

Climat de travail

Nicolas Lemieux justifie l'incursion des TUAC au Québec par le fait que le climat de travail serait «de plus en plus tendu» dans le réseau des magasins Walmart.

«Nous recevons de nombreux appels d'employés qui se disent victimes d'intimidation et de harcèlement psychologique de la part de leurs supérieurs immédiats, rapporte le syndicaliste. Ces employés craignent de perdre leur emploi sans raison valable. Ils veulent se regrouper, mais ils ne veulent pas s'engager dans un long processus qui pourrait mener à la mise sur pied d'un syndicat.»

C'est ce que croit également Manon St-Martin, ancienne caissière au magasin Walmart de Granby, qui ne craint plus d'afficher sa dissidence. Elle a décidé de dénoncer les façons de faire de son ex-employeur.

«J'ai encore beaucoup de colère réprimée, admet-elle. Je n'accepte pas qu'on m'ait dit qu'on n'avait plus rien pour moi, c'est-à-dire que j'avais perdu mon emploi, à la suite d'un accident de travail [en mai 2010].»

«J'aurais souhaité continuer de travailler. J'aimais mon emploi. J'étais compétente. Les clients insistaient pour passer à ma caisse», ajoute-t-elle.

Au chômage, elle a porté sa cause devant la Commission des lésions professionnelles (CLP), dans l'espoir d'obtenir réparation. Une connaissance lui a suggéré d'aller cogner à la porte du syndicat des TUAC-FTQ. «Je n'avais pas d'avocat ni les moyens de me représenter, reconnaît-elle. Une chance que les TUAC ont répondu à mon appel à l'aide.»

Walmart se dit à l'écoute

De son côté, le porte-parole de Walmart Canada, Alex Roberton, maintient que le géant du commerce de détail a une «politique des portes ouvertes» permettant aux employés de «parler à leurs coachs quand ils en font la demande».

«C'est encouragé au sein de l'entreprise, ajoute-t-il. Nous faisons beaucoup d'efforts pour améliorer les communications avec nos "associés" [employés] et pour augmenter leur productivité.»

«Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y a jamais de problème. Mais nous sommes toujours à l'écoute», ajoute-t-il.

Il affirme qu'il n'a pas d'informations à propos de l'organisation québécoise NOTRE Walmart, qui semble s'enraciner dans les magasins Walmart au Québec. «Je n'ai pas de détails sur leurs plans et il faudrait poser la question au syndicat», indique-t-il.

Il maintient que les relations de travail sont au beau fixe et fait valoir que le nombre d'«associés» est passé de 12 000 à 13 000 (temps plein et temps partiel) au cours de la dernière année. «Les primes versées aux "associés" ont augmenté de 25% pour l'ensemble de nos magasins», calcule-t-il.

Une évaluation contestée par le conseiller syndical Nicolas Lemieux. «C'est plutôt l'inverse, tient-il à rectifier. Les employés nous font part de baisses substantielles de leurs bonis. Pour se justifier, Walmart invoque des raisons de rentabilité. C'est sans parler des horaires de travail, qui sont constamment modifiés à la baisse.»