«Aucune éducatrice ne va perdre son emploi» dans les services de garde malgré les compressions de 120 millions de dollars, déclarait la ministre de la Famille, Francine Charbonneau, à l'Assemblée nationale vendredi. Or sa réforme prévoit de réduire d'environ 16% les heures de travail que le gouvernement subventionne, a constaté La Presse en prenant connaissance des chiffres du Ministère.

Cette baisse explique pourquoi les associations des centres de la petite enfance (CPE) et des garderies privées subventionnées soutiennent que des mises à pied sont inévitables.

Les calculs du ministère de la Famille, présentés aux associations, sont un peu complexes, mais il faut s'y attarder pour comprendre le coeur de la réforme en préparation sur le financement des services de garde subventionnés.

À l'heure actuelle, le rapport entre le nombre d'heures de travail des éducatrices et des aides-éducatrices et le nombre de jours d'occupation est en moyenne de 1,19 dans les CPE, selon ce qu'a présenté le Ministère aux associations.

Prenons l'exemple d'une garderie de 80 places: il y a environ 24 000 heures de travail par année pour 20 000 jours d'occupation (environ 260 jours de garde par année pour chaque enfant). Or, Québec veut ramener ce rapport à 1.

Il s'agit de la moyenne du «tiers performant», les services de garde qui dépensent le moins et qui coûtent le moins cher au gouvernement. Québec veut faire passer la moyenne à 20 000 heures pour 20 000 jours, pour reprendre notre exemple. C'est 4000 heures de travail en moins. Notons qu'une éducatrice à temps plein travaille environ 1660 heures par année.

Toute la réforme repose sur cette intention de réduire les heures de travail financées par l'État en se basant sur le «tiers performant». Le ministère de la Famille refuse de dire quels services de garde font partie de ce «tiers performant»; même les associations l'ignorent.

Une «hypothèse»

Le cabinet de la ministre Charbonneau a refusé d'expliquer sa proposition. Il s'agit selon lui d'une «hypothèse» qui doit faire l'objet de discussions avec les associations.

Le Ministère considère que les services de garde peuvent atteindre l'objectif en reconfigurant les horaires de travail en début et en fin de journée, lors de l'arrivée et de la sortie progressives des enfants. Il réitère que, malgré les compressions, il maintient les ratios en vigueur - le nombre d'enfants par éducatrice (voir encadré). Mais pour les associations, Québec ne tient pas compte des réalités variables au sein du réseau ni même de la qualité des services offerts. Elles se demandent si le tiers performant respecte les ratios en tout temps.

La réforme du financement va plus loin encore. Québec veut aussi réduire les subventions versées pour couvrir le salaire des cuisinières, qui préparent les collations et le dîner. Selon les informations obtenues par La Presse, le Ministère veut financer 21 heures de travail par semaine pour une garderie de 60 places. Or la moyenne tourne autour de 30 heures actuellement, estime l'Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE).

Là encore, Québec n'a pas voulu donner d'explications à La Presse.

Quels sont les ratios?

• Chez les poupons (moins de 18 mois): une éducatrice pour cinq enfants

• Chez les 18-47 mois: une éducatrice pour huit enfants

• Chez les 4 ans: une éducatrice pour dix enfants

Plaintes pour non-respect des ratios

Chaque année, des garderies ne respectent pas les ratios en vigueur. Voici les plaintes comptabilisées par le ministère de la Famille à ce sujet.

Pour les six premiers mois de 2015-2016

• Plaintes reçues: 124

• Plaintes retenues et réglées avec mesures correctives: 14

2014-2015

• Plaintes reçues: 230

• Plaintes retenues et réglées avec mesures correctives: 29

Des coupes de plus de 120 millions?

Le gouvernement Couillard estime que sa réforme vise à imposer des compressions de 120 millions de dollars l'an prochain. Elles s'ajoutent aux coupes de 174 millions imposées au cours des deux dernières années. Or les nouveaux barèmes de financement présentés par le ministère de la Famille aux associations laissent croire que les compressions seraient plus élevées encore. Ces barèmes seraient réduits de 23 à 37% selon le cas. Québec a refusé de confirmer ou d'infirmer ces chiffres.

Les barèmes de financement

Pour les poupons

• La réforme: 45,71$ par jour pour chaque enfant

• Le financement actuel: 60,04$

• - 24%

Pour les 18 à 47 mois

• La réforme: 29,73$ par jour pour chaque enfant

• Le financement actuel: 38,63$

• - 23%

Pour les 4 ans

• La réforme: 24,40$* par jour pour chaque enfant

• Le financement actuel: 38,63$

• - 37%

* Ce serait un nouveau barème, car, à l'heure actuelle, le financement est le même pour les 4 ans et pour les 18-47 mois.