Le ministre de l'Environnement David Heurtel veut aller de l'avant avec son système de consigne pour les bouteilles de vin. Or, voici qu'un obstacle important se dresse devant lui. Une étude de spécialistes commandée par son ministère recommande d'améliorer le tri des matières recyclables plutôt que de consigner le verre. En fait, au bout de 350 pages d'équations complexes, on constate que le système actuel est probablement le meilleur.

Après avoir relevé que les coûts de transport des contenants consignés variaient considérablement de province en province, les économistes du Centre de recherche en économie de l'environnement, de l'agroalimentaire, des transports et de l'énergie (CREATE) de l'Université Laval concluent : « Un tel degré d'incertitude incite à adopter une approche conservatrice. Compte tenu des particularités propres à chaque région [...], le meilleur système ressemble probablement à celui dont on dispose déjà. »

Constatant en début de journée que La Presse connaissait les grandes lignes du rapport, le ministre Heurtel a choisi de le rendre public, en soirée, sur le site internet de son ministère. Faisant le résumé de l'étude, M. Heurtel constate que la consigne est économiquement rentable pour les contenants à remplissage multiple, comme les bouteilles de bière, mais croit qu'il vaut quand même la peine d'étudier la consigne pour les bouteilles de vin.

Le Ministère retient aussi que « d'un point de vue économique, la collecte sélective demeure une voie privilégiée pour les contenants à usage unique ». En conséquence, les bouteilles de vin comme les bouteilles d'eau en plastique ont leur place dans les bacs verts ou bleus.

L'étude estime qu'il faudrait pousser davantage l'étude sur la consigne des bouteilles de vin, mais observe que la manutention des bouteilles d'eau en plastique ne saurait en aucun cas devenir rentable. Le ministre Heurtel souhaitait apporter aussi une solution pour ces contenants qui prolifèrent dans les lieux publics au Québec.

C'est une douche froide pour le ministre Heurtel, puisque dans un rapport préliminaire, le printemps dernier, le même organisme, le Centre de recherche en économie de l'environnement, concluait que la consigne du verre, notamment des bouteilles de la SAQ, serait économiquement rentable. Avant l'été, le ministre Heurtel avait reconnu en commission parlementaire qu'il avait reçu un rapport préliminaire, mais il préférait attendre les conclusions avant de formuler des commentaires. Le rapport avait été commandé sous le gouvernement de Pauline Marois.

Le ministère de l'Environnement doit incessamment rendre publique l'étude qui vient contrecarrer les plans du ministre Heurtel, d'autant que ce dernier ne jouit pas de l'appui de son collègue des Finances, le responsable de la Société des alcools, Carlos Leitao.

L'étude conclut qu'il vaudrait mieux consacrer des fonds à l'amélioration de l'efficacité des centres de tri chargés de séparer le verre des autres matières recyclables. L'idée de multiplier des centres de dépôt et des gobeuses de verre n'inspire pas les universitaires, qui évoquent même des risques de fraude, a-t-on appris de sources qui ont pris connaissance des conclusions.

Surtout, on estime que même si une consigne était appliquée sur les bouteilles de vin, le projet du ministre Heurtel visait une consigne à 25 cents la bouteille, les consommateurs ne seraient pas pour autant enclins à conserver ces contenants, qui de toute façon prendraient le chemin du bac de récupération, comme c'est le cas aujourd'hui. Les consommateurs optent spontanément pour le recyclage pour leurs contenants de la SAQ, une habitude bien ancrée, constate-t-on.

Il faut s'attendre à ce que les partisans de la consigne - la population y est très majoritairement favorable - fassent valoir que le CREATE a produit une étude qui s'est limitée à des considérations purement économiques, sans tenir compte d'enjeux plus globaux comme le réchauffement de la planète et les considérations sociales.