Le gouvernement conservateur compte sur les parrainages privés pour s'assurer que les 10 000 réfugiés syriens qui seront accueillis au Canada, d'ici septembre prochain, soient d'abord des chrétiens, des druzes, des Kurdes et d'autres membres de minorités qu'il veut privilégier.

Mais cet outil privilégié par le gouvernement Harper lui a déjà fait défaut une fois, alors que les objectifs chiffrés étaient beaucoup moins ambitieux.

Lorsqu'Ottawa s'était engagé à accueillir 1300 réfugiés syriens, seulement 200 d'entre eux devaient être pris en charge par le gouvernement. Comme les parrains privés ne se manifestaient pas assez rapidement, le gouvernement fédéral a plus que doublé sa part et en a fait venir 434.

Ces 434, référés obligatoirement par le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), ne pouvaient pas être choisis en fonction de leur appartenance religieuse ou ethnique.

Le HCR a des critères précis quand vient le temps de donner la priorité à certains réfugiés pour une réinstallation en dehors de leur pays de refuge. Leur religion ou leur appartenance ethnique n'est prise en compte que lorsqu'elle les met en danger dans ce pays de refuge, non pas dans le pays qu'ils ont fui.

Les réfugiés syriens candidats à la réinstallation au Canada viennent principalement du Liban, de la Jordanie et de la Turquie, trois pays où on compte, hormis les réfugiés syriens, bon nombre de chrétiens, de druzes et de Kurdes.

Maintenant que l'objectif est à 10 000 réfugiés syriens d'ici septembre 2016, que Stephen Harper répète sans cesse qu'il a «comme priorité les personnes les plus vulnérables [...] surtout les minorités religieuses et ethniques» et que le HCR ne peut pas lui livrer ces personnes de manière prioritaire, le gouvernement se tourne vers les églises.

«Le Canada a la capacité unique de cibler certains groupes qui font particulièrement face à la persécution grâce au système de parrainage privé», déclarait vendredi le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Chris Alexander, pointant vers «les églises» et les «groupes communautaires».

«Nous avons hâte [...] d'augmenter le nombre de signataires d'entente de parrainage pour répondre à ces besoins», ajoutait-il, en parlant de la priorité à donner à certains réfugiés syriens.

Les «signataires d'entente de parrainage» sont des organismes à vocation religieuse, ethnique ou communautaire qui se sont engagés auprès du gouvernement fédéral à aider les réfugiés en les parrainant ou en leur trouvant des parrains privés.

Dans le cas des réfugiés syriens, ce sont surtout des églises, dont l'église arménienne, qui ont été, jusqu'à maintenant, très actives dans le parrainage privé.

«Peut-être que le gouvernement a regardé ça et s'est dit que de toute façon ce sont les églises qui sont les plus organisées pour faire le parrainage privé. Donc, puisque le gouvernement a mis l'accent sur [...] le parrainage privé plutôt que (sur) la sélection de réfugiés du HCR pris en charge par le gouvernement, ils se sont peut-être dit: "De toute façon, ce sont surtout des chrétiens"», émet comme hypothèse Janet Dench, directrice au Conseil canadien des réfugiés (CCR).

En décembre dernier, le CCR et d'autres organismes se sont élevés contre l'intention d'Ottawa de privilégier certains réfugiés selon leur religion. «Une telle pratique va à l'encontre des principes fondamentaux de la protection des réfugiés. Les réfugiés doivent être sélectionnés pour la réinstallation en fonction du besoin», disait alors la présidente du CCR, Loly Rico.

Les sources de La Presse Canadienne confirment que le choix de privilégier les minorités religieuses syriennes a connu quelques résistances au gouvernement, avant d'être annoncé.

Maintenant, le ministre Alexander défend avec passion ce choix. «Ils méritent notre protection. [...] Les Yazidis, plusieurs groupes chrétiens, des minorités musulmanes qui sont extrêmement mis en danger, persécutés, par le groupe État islamique. Le Canada leur doit de reconnaître qu'ils font face à une forme particulière de persécution», affirme le ministre.

En date du 8 septembre, le Canada avait accueilli 1106 des 10 000 réfugiés syriens promis d'ici septembre prochain. De ce chiffre, 888 avaient trouvé le chemin du Canada grâce à un parrainage privé.

Pour atteindre l'objectif de 10 000 annoncé en moins d'un an, il en faudrait dix fois plus. Difficile de dire si les églises et les autres groupes communautaires pourront maintenir la cadence.

«Si un groupe établi décide de parrainer un musulman, rien dans la loi permet au gouvernement de ne pas traiter ce dossier ou de le refuser parce que la personne a la mauvaise religion», souligne Mme Dench.