Le ministre de l'Agriculture, François Gendron, a déposé mardi un projet de loi pour limiter l'achat de terres et la spéculation par des intérêts étrangers, une initiative accueillie avec tiédeur par les agriculteurs québécois.

M. Gendron a reconnu que le phénomène est relativement marginal, mais son objectif est d'assurer que l'agriculture demeure entre des mains québécoises.

«Une chose qui est sûre, moi, j'aimais mieux prévenir que guérir», a-t-il dit lors d'un point de presse à l'Assemblée nationale, après le dépôt du projet de loi.

Selon le ministre, entre 2000 et 2100 hectares de terres agricoles sont achetés par des intérêts étrangers chaque année. M. Gendron ne dispose cependant pas encore de chiffres précisant combien sont la propriété de résidents, non-résidents, et il ignore aussi si elles sont cultivées ou inutilisées.

«Le phénomène comme tel, en statistique, n'a peut-être pas autant de signification que certains l'ont attribué, mais, une chose qui est sûre, c'est qu'on ne peut pas laisser perdurer une situation qui laisse voir que c'est un phénomène majeur, significatif», a-t-il dit en assurant que des données plus précises pourraient être disponibles à l'automne.

S'il est adopté, le projet de loi 46, dont les modifications tiennent sur deux pages, resserrerait les critères afin que seuls des résidents permanents du Canada et des citoyens canadiens, ou en voie de le devenir, puissent faire l'acquisition d'une terre agricole.

La Commission de protection du territoire agricole aurait aussi plus de pouvoir pour évaluer les transactions d'intérêts étrangers afin d'éviter que cela perturbe le secteur.

Une limite annuelle de 1000 hectares serait aussi fixée aux transactions de tous les non-résidents.

M. Gendron a expliqué qu'il souhaite ainsi empêcher les impacts de la spéculation sur la valeur des terres agricoles et favoriser la relève.

«Si c'est dans un but de faire de la spéculation passive, comme des tableaux ou autres phénomènes, je ne peux pas l'empêcher complètement, pour des raisons de commerce (...), mais je peux mettre pas mal de bâtons dans les roues pour réduire cette envie-là», a-t-il dit.

L'Union des producteurs agricoles (UPA) a réagi au dépôt du projet de loi en rappelant au ministre qu'en ciblant les non-résidents, il ne s'attaque pas à la véritable source de l'accaparement et de la spéculation, qui est surtout locale.

L'UPA a rappelé le cas de la Banque Nationale du Canada qui, en 2011-2012, a acheté plus de 5000 acres de terres au Lac-Saint-Jean, des actifs qui ont été transférés cette année à l'entreprise Pangea terres agricoles, dont l'homme d'affaires Charles Sirois, cofondateur de la Coalition avenir Québec (CAQ), est actionnaire.

«L'augmentation rapide de la valeur des terres intéresse de plus en plus d'investisseurs non agricoles ici même au Québec, a dit dans un communiqué le président général de l'UPA, Marcel Groleau. Il est nécessaire d'agir rapidement pour freiner ce phénomène et pour s'assurer que les producteurs agricoles et la relève aient accès à la propriété des terres dans le futur.»

L'UPA réclame la création d'une société qui serait responsable de freiner l'appétit des investisseurs privés et des promoteurs immobiliers.

Mardi, M. Gendron a affirmé que son projet de loi est une première étape et qu'il poursuivra les travaux l'automne prochain afin de répondre aux préoccupations concernant la spéculation et l'accaparement par des entreprises québécoises.

«Dans la deuxième étape, à l'automne, il y aura lieu d'avoir une instance chapeau, a-t-il dit. (...) À l'automne, je veux regarder quel outil j'ajoute aux modifications de la loi.»