En hausse, le budget de la Ville de Montréal franchira en 2016 la barre des 5 milliards pour la première fois de son histoire. Pour couvrir cette croissance des dépenses, les Montréalais verront leur compte de taxes augmenter de 1,9%. Les commerçants seront toutefois un peu plus épargnés.

L'administration Coderre n'a pas réussi à rééditer le coup réalisé pour son budget de 2015 qui affichaient des dépenses en baisse, une première en 30 ans. Les dépenses affichent une croissance de 120 millions (2,4%). Le budget de la Ville de Montréal s'établira ainsi en 2016 à 5 061 millions.

« Mission accomplie : on est en train de changer le bateau de bord. On a changé la culture. On parle de performance organisationnelle, on a respecté la capacité de payer des gens, on est dans un environnement encore plus propice pour l'investissement des entreprises », s'est félicité le maire de Montréal Denis Coderre ce matin lors de la présentation du budget.

L'opposition s'est montrée plus critique, déplorant la hausse des dépenses. «La donnée sur laquelle il faut se concentrer c'est l'augmentation des dépenses. Cette année elle est deux fois plus grande que l'an passé. La Ville de Montréal va augmenter ses dépenses de 2,4% dans le prochain exercice budgétaire, alors que c'était 0,9% l'an passé. Cette augmentation est en haut de l'inflation», a dénoncé Luc Ferrandez, chef de Projet Montréal.

Le conseiller d'opposition Guillaume Lavoie s'inquiète de voir que près de 70% des revenus de la Ville proviennent de la taxe foncière. «La conclusion la plus fondamentale à tirer de ce budget c'est que nous taxons plus que jamais auparavant afin de donner au privé plus de contrats et d'argent que jamais, tout ça alors que l'encre du rapport de la commission Charbonneau n'est pas encore sèche.»

Hausse moins forte pour les commerçants



Les taxes résidentielles augmenteront en moyenne de 1,9 %. La résidence montréalaise moyenne évaluée à 413 000$ recevra ainsi une hausse de taxes de 66$. Le maire a jugé cette augmentation raisonnable considérant que le Conference Board du Canada anticipe une inflation de 2,3% en 2016 pour la région de Montréal.

La hausse variera toutefois par arrondissement. Encore une fois, les résidents du Plateau recevront l'augmentation la plus salée. Elle sera de 3,7%. Cette hausse est en partie attribuable à la hausse de la taxe locale de 0,6%. «Le problème sur le Plateau c'est qu'ils sont dogmatiques. Ils pensent qu'ils peuvent tout changer d'un coup", a déploré le maire Coderre. Selon lui, une hausse aussi forte «n'était pas nécessaire».

À l'inverse, ceux de LaSalle seront les plus épargnés, eux qui verront leur compte augmenter d'à peine 0,2%. Ce résultat s'explique par la décision de l'arrondissement de réduire de 1,4% sa taxe locale.

Les taxes non résidentielles, qui s'appliquent aux commerces et entreprises établies à Montréal, augmenteront de seulement 0,9%. L'Administration dit avoir voulu limiter cette hausse «dans le but de leur donner un coup de pouce aux entreprises montréalaises, d'améliorer la compétitivité de la Ville et de favoriser le développement économique de la métropole».

Alors que le commerce de détail éprouve d'importantes difficultés, Montréal dit être à étudier divers scénarios. La Ville dit étudier «la possibilité d'appliquer des mesures de fiscalité sectorielle» afin d'encourager certains secteurs de l'économie. Sont ciblés les événements sportifs et culturels ainsi que les commerces de proximité.

Les commerçants du Plateau hériteront eux aussi de la hausse de taxe la plus salée, à 2,9%. Au centre-ville, dans Ville-Marie, sera là plus importante, à 1,8%. À l'inverse, ceux de St-Laurent recevront une baisse de taxes de 1,3%.

Réduction des effectifs... mais plus d'employés

Alors que Montréal continue son plan sur 5 ans pour réduire les effectifs, abolissant 214 postes en 2016, le nombre d'employés est paradoxalement en hausse. Il s'établira en effet à 22 361 postes, contre 22 016 l'an dernier. Cette hausse malgré les compressions s'explique par la «régularisation» de 559 postes qui n'apparaissaient pas dans la masse salariale des anciens budgets.

Le plus important effort d'abolition de postes sera effectué par le SPVM. Le corps policier abolira 80 postes, ce qui fera passer ses effectifs à 5517 personnes. Les arrondissements devront eux aussi réduire de beaucoup leur personnel. L'équivalent de 75 postes disparaîtra en 2016. Ville-Marie abolira à elle seule 16 postes.

Les réductions d'effectifs permettent à Montréal de réduire le poids de la masse salariale sur son budget. De 53,1% du budget en 2012, il représentera 46,4% en 2016.

La diminution du coût des régimes de retraite y est pour beaucoup. Montréal prévoit économiser 103,6 millions en 2016 grâce à la Loi sur le partage du coût des régimes de retraite et les meilleurs rendements des caisses. Cette baisse représente une économie de 25% par rapport à 2015.

Le maire du Sud-Ouest et chef de Coalition Montréal, Benoit Dorais, craint les impacts de la réduction d'effectifs dans les arrondissements dû au plan de l'administration Coderre de réduire la masse salariale sur une période de cinq ans (PQMO). «Plus on avance dans la mise en application du PQMO, plus les efforts qu'on demande sont importants dans les arrondissements. C'est paradoxal parce qu'il n'y a jamais eu autant d'argent à investir, mais en même temps si peu de marge de manoeuvre pour le réaliser... En ce moment les carnets sont pleins, on doit reporter, le personnel n'est pas là. On doit aller au privé et une fois qu'on va au privé on a aussi besoin de gens pour surveiller», a-t-il déclaré cet après-midi lors du conseil municipal.Le maire Dorais demande par conséquent la mise en place d'une table de maires pour discuter de cet enjeu.

Augmentation pour la STM, baisse pour le SPVM

En 2016, la Société de transport de Montréal (STM) verra son budget augmenter de 5,1% par rapport à 2015, pour un total de 429,8 millions. La contribution de la Ville de Montréal à l'AMT reste stable à 64 millions.

Le budget attribué à la sécurité publique est cependant en baisse de 14,9 millions, sur un budget total d'un peu de 1 milliard. Le Service de police de la Ville de Montréal fonctionnera avec un budget de 680,5 millions contrairement à 686,6 millions l'an passé. Le budget du corps policier est en baisse malgré le fait que la ville s'attende à voir une nouvelle hausse de 6 millions du temps supplémentaire pour la surveillance des nombreux chantiers. Pour sa part, le Service de sécurité incendie recevra 350,9 millions en 2016, contre 359,7 millions l'an passé.

Encore cette année, Montréal a prévu  son budget pour tout près de 200 millions en amendes et contraventions. Soulignons toutefois que les prévisions de la Ville pour 2015, qui étaient similaires, montrent que ces revenus ne sont pas au rendez-vous, la Ville anticipant un manque à gagner de 33 millions à ce chapitre.