Après deux ans de travaux et des dépenses de 5,4 millions de dollars, les cyclistes qui traversent le viaduc Saint-Laurent entre les rues Bernard et de Bellechasse ont désormais... presque une piste cyclable. Le projet, marqué par de nombreux retards, irrite déjà bon nombre de cyclistes et de piétons, qui craignent que la touche finale des travaux - la construction d'un rond-point donnant accès à la véloroute des Carrières - ne vienne encore empirer la situation. Regard sur trois nouveaux problèmes causés par l'aménagement d'une piste pourtant fort attendue.

1. L'intersection Saint-Laurent et De Bellechasse: prudence et questionnements

Par le nord comme par le sud, l'approche vers cette intersection est délicate.

Par exemple, quiconque souhaite continuer sur le boulevard Saint-Laurent vers le nord, une fois le viaduc traversé, doit porter attention aux éléments suivants : les voitures, sur la gauche ; les piétons, sur la droite ; et encore les cyclistes en direction sud, qui surgissent derrière un muret, sur la droite. 

« C'est de l'art », résume Josée Marceau, une utilisatrice régulière de la structure, qui approche l'intersection avec prudence.

Un peu plus loin, à l'intersection de la rue Saint-Dominique, l'opération est aussi compliquée. « Tout le monde se regarde en se demandant : "que fais-tu là, est-ce que je suis à ma place ?" », observe la cycliste.

Depuis le début de la saison printanière, des bollards et un arrêt ont été installés dans le secteur.

 « Personne ne sait quoi faire avec l'arrêt qui est là », constate Zvi Leve, coprésident de RuePublique, un organisme qui se donne comme mission d'améliorer la convivialité des quartiers montréalais. Il faut dire que le panneau d'arrêt est placé du côté opposé de l'intersection, dans une ligne droite.

2. L'intersection Saint-Laurent et De l'arcade: virage serré et cyclistes sur le trottoir

Il n'a pas fallu une minute à La Presse pour voir un premier cycliste tomber dans l'intersection à 90 degrés qui permet d'entrer dans la piste cyclable Saint-Laurent lorsque l'on arrive par le sud.

Le coude impose un virage serré, et il est encore plus accentué lorsque des cyclistes arrivant du nord attendent le feu vert qui leur permettra de rejoindre la rue de l'Arcade, pour ensuite accéder à l'axe cyclable de la rue Clark.

C'est pour ces derniers que l'intersection a été pensée. « Ils doivent aller prendre la rue Clark pour ne pas se retrouver à contresens sur Saint-Laurent », avait expliqué le responsable du transport à la Ville de Montréal, Aref Salem, quand la piste a été (en partie) inaugurée, début décembre.

Il reste que le virage cause un nouveau problème : plusieurs cyclistes se dirigeant vers le viaduc empruntent le trottoir pour éviter le virage hasardeux.

D'autres, qui vont vers le sud, mais ne souhaitent pas se rendre sur Clark, font la même chose, mais en sens inverse. « Je préfère utiliser des rues plus petites. C'est beau, c'est calme, et ça ne nuit pas aux voitures », confie le cycliste Bernard Jauzion, rencontré sur le trottoir.

Comme plusieurs autres, il roule pendant une trentaine de mètres sur le trottoir, à contresens et au péril des piétons, pour atteindre Bernard Est, puis Saint-Dominique vers le sud.

La solution, Zvi Leve dit la connaître. « Un passage à niveau sur le chemin de fer du CP [Canadien Pacifique] réglerait le problème », croit-il. Et il n'est pas le seul : Montréal exige ce type d'aménagement au CP depuis... 20 ans.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Dès son arrivée, La Presse a vu un premier cycliste tomber dans l'intersection à 90 degrés qui permet d'entrer dans la piste cyclable Saint-Laurent lorsque l'on arrive par le sud, parce qu'il a dû ralentir au point de perdre l'équilibre.

3. Le nouveau rond-point: la ligne de désir ignorée

Au nord du viaduc, du côté opposé de la piste cyclable, la construction d'un rond-point permettant de rejoindre la véloroute des Carrières est en cours.

Le problème, selon les cyclistes, c'est qu'on impose encore ici un virage à 90 degrés pour rejoindre la piste cyclable à partir de la véloroute. « La Ville construit une rampe, mais les cyclistes vont passer à côté, parce que c'est là qu'ils passent depuis toujours, et c'est naturel », prédit Zvi Leve.

Le terrain tend à lui donner raison : à côté de la rampe à venir, un chemin de terre s'est tracé dans le gazon. C'est la ligne de désir, « l'endroit où se situe la demande », selon M. Leve.

Autre inquiétude : une fois sortis du rond-point, les cyclistes devront traverser le boulevard Saint-Laurent pour rejoindre la piste cyclable.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Une fois la construction du nouveau rond-point terminée, les cyclistes devront à nouveau emprunter un virage à 90 degrés pour rejoindre la piste cyclable de la véloroute des Carrières.

Des solutions ?

Au moment de voir les plans, il y a deux ans, des élus de Projet Montréal ont critiqué l'aménagement en coude à l'intersection de Saint-Laurent et de l'Arcade.

« Il est vrai que nous avons fait des recommandations, mais nous ignorons les raisons pour lesquelles elles ont été ignorées », a déjà expliqué le conseiller Alex Norris à La Presse, au début de l'hiver. Son collègue et maire de Rosemont-La Petite-Patrie, François Croteau, a aussi demandé des modifications récemment.

À la Ville, on évoque désormais des « aménagements légers », mais pas de réfections majeures.

Chez Vélo Québec, le sentiment est le même qu'à Projet Montréal : la piste cyclable a des défauts, mais elle rend tout de même le viaduc beaucoup plus sécuritaire qu'il ne l'était auparavant pour les 2000 cyclistes qui l'empruntent au quotidien.