Plusieurs mois avant de commettre un vol qualifié dans un dépanneur, l'adolescent montréalais, actuellement jugé pour terrorisme en Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, avait tenté d'obtenir de l'argent autrement, notamment par l'utilisation frauduleuse de la carte de crédit de son père, a-t-on appris jeudi.

En février 2014, le père de l'accusé a trouvé, dans la poche du pantalon de son fils, un bout de papier sur lequel était griffonné son numéro de carte de crédit. C'était huit mois avant son arrestation, le 17 octobre. «Pourquoi tu as fait ça?», a demandé le père. Pour aller en Syrie, lui a répondu son fils. À partir de ce moment, un logiciel de contrôle parental a été installé sur l'ordinateur utilisé par l'ado. Le 29 mai, celui-ci a néanmoins tenté d'acheter en ligne un billet d'avion pour la Turquie, toujours avec la carte de crédit de son père. La banque a bloqué la transaction. On sait que l'accusé a également tenté de verser de l'argent via la Western Union. «Je vais aider d'une façon ou d'une autre», avait-il dit.

Durant les mois qui ont suivi, l'adolescent a été très actif sur l'internet et les réseaux sociaux. Il a téléchargé une importante quantité de matériel de propagande djihadiste. Il a entretenu des liens, via Twitter notamment, avec un dénommé El Sami, un Montréalais responsable d'une agression à Pierrefonds en 2010 et parti faire le djihad en Syrie en 2013. L'accusé a aussi échangé avec Martin Couture-Rouleau, auteur de l'attentat à Saint-Jean-sur-Richelieu. Il souhaitait lui emprunter de l'argent pour se procurer un nouveau couteau et commettre un deuxième vol, a-t-on appris la semaine dernière. Le billet d'avion coûte plus de 1000 $, avait dit l'accusé à Couture-Rouleau.

L'accusé, qui avait 15 ans au moment des faits, est soupçonné de terrorisme sous deux chefs d'accusation: avoir commis un vol qualifié «sous la direction, au profit ou en association avec un groupe terroriste» et avoir voulu quitter le Canada pour participer «aux activités d'un groupe terroriste à l'étranger». Malgré tous les éléments déposés en preuve, la défense a demandé jeudi à la juge Dominique Wilhelmy d'établir un non-lieu quant au premier chef d'accusation, faute de preuve. «Il faut plus que des déductions. Depuis plus d'une semaine, les témoignages confirment une radicalisation intellectuelle et idéologique de l'accusé. (...) On peut bien présenter des tétra-octets de matériel trouvé dans l'ordinateur de mon client, ça ne prouve rien. (...) On est passé à côté des éléments essentiels:  les infractions pour lesquelles il est devant le tribunal», a argumenté Me Tiago Murias.

Durant l'interrogatoire du 17 octobre 2014 mené par l'enquêteur Brahim Soussi, l'accusé a parlé de l'argent du vol comme d'un «butin de guerre», a insisté jeudi la procureure Lyne Décarie, du ministère public, après avoir énuméré les éléments incriminants. Selon la poursuite, il est clair que le crime a été commis «en association» avec un groupe terroriste.

La juge a rejeté la requête de non-lieu. Le procès se poursuivra mardi sur les deux chefs d'accusation, alors que débuteront les plaidoiries.