L'incendie qui s'est déclaré dans un immeuble à logements de la rue De Rouen, mardi soir, dans l'arrondissement Hochelaga-Maisonneuve de Montréal, aurait pu se terminer beaucoup plus tragiquement, n'aurait-ce été du geste héroïque d'un passant.

François Lareau est assis devant son ordinateur, dans son appartement de la rue Darling. En robe de chambre et en pantoufles, il flatte machinalement son chien, qui ne cesse de japper à la vue d'une étrangère. Il est 23 h. Moins d'une heure plus tôt, François bravait les flammes et sauvait, probablement, la vie d'un homme.

«Les flammes sortaient d'un bon dix pieds par la fenêtre, on entendait le bruit strident du détecteur de fumée et ça criait de partout», raconte François, qui s'est précipité vers l'immeuble à logements situé à quelques blocs de chez lui quand il a entendu une explosion. Un appartement était en flammes et les secours n'étaient pas arrivés.

«J'ai ouvert la porte, j'suis monté au premier étage et j'ai vu le gars tout brûlé. Il était brûlé partout. Je ne voulais pas le toucher parce qu'on dit qu'il ne faut pas toucher aux grands brûlés», raconte-t-il, d'un calme désarmant. « Alors, je me suis mis à lui crier de m'écouter. Je lui criais "Écoute-moi! Écoute-moi! Écoute-moi!", et quand il a fini par me regarder, je lui ai dit de me suivre. Il n'était pas capable de se lever, mais il était capable de se trainer avec ses bras.»

François raconte l'avoir guidé jusqu'à l'extérieur, où il est resté étendu longuement sur le gazon avant d'être transporté en ambulance. Pendant ce temps, un autre bon samaritain criait à des locataires de sortir de l'immeuble où le feu menaçait de se propager aux dizaines de logements voisins.

«J'ai mis mon manteau sur mon nez et je me suis approché, raconte Alain Bonin, en mimant le mouvement dans sa veste de jeans. Moi, j'étais là pour sauver du monde. That's it. That's all.»

Une quarantaine de pompiers sont arrivés sur place et ont combattu les flammes. Des dizaines de personnes ont été évacuées. Un seul individu a été transporté à l'hôpital.

«Dans cette histoire-là, c'est [François Lareau] qui doit avoir le mérite, souligne M. Bonin. Il est entré et il a sauvé la vie du gars, c'est sûr.»

Images troublantes

Après son geste courageux, François est simplement retourné chez lui et a enfilé son peignoir. C'est à ce moment que l'adrénaline est descendue et que l'émotion est montée.

«Là, je te parle et l'eau me roule dans les yeux», admet-il. Il fait une pause et regarde l'entaille qu'il s'est faite au doigt. «Le gars était tellement brûlé... les cheveux, les bras, les épaules... à grandeur! Je n'étais pas capable de le regarder. J'ai juste cette image-là qui me revient.»

François n'y voit là rien d'héroïque. D'ailleurs, le préposé à l'entretien ménager d'un CSSS de Saint-Léonard n'en serait pas à son premier acte de bravoure.

«À Cuba, il y a quelques années, j'ai sorti deux personnes de la noyade. C'est rendu parmi mes meilleurs chums, raconte-t-il avec retenue. On ne fait pas de cas avec ça. Tu es là quand ça arrive, puis c'est ça que ça donne. C'est tout.»