Si les algues bleues ont causé toute une commotion il y a quelques années, voilà qu'on n'en parle presque plus. De fait, la dernière recension des lacs touchés remonte à 2013 au ministère québécois de l'Environnement. Oui, il y a toujours des éclosions d'algues bleues, mais le gouvernement n'en fait plus grand cas.

Où y a-t-il problème cet été? Au ministère de l'Environnement comme au ministère de la Santé, impossible d'obtenir cette information.

Les dernières données remontent à 2013. Dans le bilan réalisé cette année-là par le ministère de l'Environnement, on apprend que seuls 121 plans d'eau ont fait l'objet d'une analyse; là-dessus, 70% des lacs étaient touchés. Il est aussi précisé que des signalements ont été reçus pour 38 autres plans d'eau où il n'y a pas eu visite parce que la situation est récurrente, et donc connue.

En comparaison, en 2007, le Ministère avait fait faire des analyses pour 273 plans d'eau. Il avait alors constaté que 61% d'entre eux étaient problématiques.

Après les étés 2006 et 2007, Line Beauchamp, alors ministre de l'Environnement, avait conclu que son ministère de même que la santé publique s'étaient alarmés outre mesure. Dorénavant, était-il décidé, on ne chercherait plus à dresser une liste exhaustive des lacs touchés par les algues bleues (aussi appelés cyanobactéries).

Les bilans partiels qui continuent d'être faits sont totalement farfelus, croit Richard Carignan, professeur au département de sciences biologiques à l'Université de Montréal.

«La réalité, c'est que si on mettait 50 personnes dans tous les lacs, tous les jours, on constaterait qu'ils présentent à peu près tous des floraisons locales à un moment donné ou l'autre. Et c'est normal», dit-il.

La panique survenue en 2006 et 2007 a été créée de toutes pièces par les médias, à son avis.

Mais des lacs étaient bel et bien touchés, non? Oui, dit-il, mais des lacs sérieusement atteints, il n'y en a qu'une vingtaine, dans des secteurs «où il se pratique une agriculture excessive et non durable, ou alors là où les lacs sont peu profonds et entourés de trop de chalets».

Pas d'intoxication humaine

Bien qu'il soit dans le domaine, M. Carignan dit qu'il ignore lui aussi quels sont ces 20 lacs très touchés. «C'est sûr que [le gouvernement] essaie de calmer le jeu depuis 2007 et que ce n'est pas de la plus grande transparence. En même temps, je préfère cette situation à la panique vécue en 2007, alors qu'on s'est énervé pour quelque chose qui ne peut entraîner qu'une petite gastro.»

Au ministère de la Santé, Marie-Claude Lacasse, porte-parole, signale que jusqu'ici, «aucun cas humain d'intoxication n'a été rapporté».

Mme Lacasse précise cependant que bon nombre de gens qui souffrent de maux de ventre, de diarrhées ou de vomissements risquent de confondre facilement ces symptômes avec une gastroentérite classique, sans associer leur malaise à leur baignade.

Le fait que personne n'ait été gravement malade a certes contribué à calmer le jeu, tout comme le fait que l'algue bleue soit facile à détecter.

«L'eau devient bleu-vert et sa texture - qui ressemble à une soupe épaisse ou à de la peinture - ne donne pas envie de s'y baigner», dit Mme Lacasse.

Détail intéressant, si on constate une floraison - qui survient normalement de façon très localisée, dans un tout petit secteur du lac -, la baignade un peu plus loin n'est pas dangereuse, bien qu'il soit prudent d'éviter d'avaler de l'eau, insiste Mme Lacasse.

Jean-Paul Raîche, professeur à l'Université de Sherbrooke en environnement et spécialisé dans la gestion de l'eau, fait observer pour sa part que ce qui est beaucoup plus redoutable, dans un lac, ce sont finalement les coliformes fécaux, qui, eux, ne sont pas perceptibles à l'oeil nu.

Tout comme M. Carignan, M. Raîche croit que la crise de 2006-2007 aura au moins eu le mérite de conscientiser les gens à l'importance de prendre soin des lacs. «Dommage, cependant, que le gouvernement, qui fait de la réduction des gaz à effet de serre sa grande priorité, n'ait pas assez de budget pour mettre à exécution ses plans directeurs de l'eau.»

Enfin, il reste aussi que ce n'est pas la petite végétation que les riverains ont été appelés à planter et à faire pousser au bord des lacs qui fera une énorme différence, conclut M. Carignan. «Deux ou trois petits arbres ne vont pas régler le problème, qui est causé à 95% par l'apport excessif en phosphore d'une agriculture non durable.»