Elle porte un nom de personnage de film d'horreur, mais les dommages qu'elle engendre ne sont pas que cosmétiques... Trente ans après sa dernière grande invasion, la tordeuse des bourgeons de l'épinette est de retour dans les forêts québécoises.

Des conifères dépouillés qui se multiplient en forêt, des nuées de papillons de nuit attirés par la lumière... La tordeuse des bourgeons de l'épinette fait un retour en force. Après avoir grignoté les sapins et épinettes de la Côte-Nord et du Saguenay-Lac-Saint-Jean ces dernières années, l'insecte fait des ravages cet été au Bas-Saint-Laurent.

L'infestation que subissent actuellement les forêts québécoises est la plus importante des 30 dernières années. Déjà, en 2014, le nombre d'hectares touchés par l'épidémie avait été multiplié par 13 depuis 2009. «On est en train de faire la caractérisation des superficies atteintes cet été. On n'a pas encore terminé, mais on voit vraiment une explosion des superficies touchées au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie», dit Louis Morneau, ingénieur forestier au ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs. En 2015, l'ensemble de la superficie touchée devrait atteindre 5 millions d'hectares.

«Quand on traverse la vallée de la Matapédia, on voit que les résineux n'ont pas la même couleur qu'à l'habitude», dit l'ingénieur forestier Martin Lepage, de l'Agence régionale de mise en valeur des forêts privées du Bas-Saint-Laurent. «Normalement, ils sont d'un beau vert vigoureux. Mais les arbres qui sont affectés depuis deux ou trois ans sont brunis, clairsemés.» Pas morts, mais pas forts, puisque les arbres ont perdu beaucoup d'aiguilles à cause de l'appétit de la tordeuse.

Même si la progression de l'épidémie est impressionnante, elle n'est pas étonnante. Les infestations de tordeuse sont cycliques et reviennent environ tous les 30 ans. À son pic, vers la fin des années 70 et au début des années 80, elle touchait presque toutes les régions du Québec. «En 1992, l'épidémie se terminait à l'est de la province, dit l'ingénieur Louis Morneau. Au même moment, on voyait apparaître une nouvelle épidémie dans l'ouest, dans la vallée de la Gatineau.»

Il aura fallu presque 15 ans avant d'observer une progression plus rapide des foyers d'infestation.

Pour des milliers de conifères, il n'y aura pas de croissance cette année. En mai et juin, les chenilles ont dévoré les jeunes pousses de sapin baumier et d'épinette, puis se sont transformées en chrysalides début juillet. Devenues papillons, elles prennent leur envol ces jours-ci pour s'accoupler et pondre leurs oeufs sous les aiguilles des conifères qui seront infestés de leurs rejetons l'an prochain.

Il faudra s'y résigner: les conifères défoliés seront de plus en plus nombreux dans les prochaines années. «Dans les premières années d'infestation, les gens ne la remarquent pas toujours», dit Louis Morneau. Cette année, c'est différent. «En ce moment, on reçoit des appels parce que les gens remarquent les arbres et des masses de papillons de nuit qui sont attirés par la lumière. Neuf questions sur dix concernent la tordeuse du bourgeon de l'épinette.»

Et il en sera ainsi tant que durera l'épidémie. Pendant combien de temps encore les forêts subiront-elles les assauts de la tordeuse? Impossible de le dire. «Au pire de la dernière épidémie, dans les années 70, il y a eu plus de 30 millions d'hectares touchés, dit M. Morneau. Si la présente épidémie est un miroir de la dernière, on voit qu'on a encore du jeu.»