Le Parti conservateur du Canada a confirmé hier sa collaboration avec un expert australien des élections, Lynton Crosby, qui a aidé le premier ministre britannique David Cameron à conserver le pouvoir en 2015.

Surnommé le « magicien d'Oz » ou le « lézard d'Australie », M. Crosby a été décrit comme un spécialiste des sondages et de l'identification de tranches précises de l'électoral en vue de gagner leur vote par des messages ciblés.

L'une de ses techniques de prédilection, que connaît bien le gouvernement Harper, est la politique de division (wedge politics en anglais), qui consiste à identifier des enjeux qui polarisent la population afin de soutirer des appuis aux partis adverses.

Une série de reportages ont fait état depuis hier du mécontentement de certains conservateurs canadiens quant à la manière dont leur campagne est gérée par les proches du chef Stephen Harper, dont sa directrice de campagne Jenni Byrne. Selon le Globe and Mail et le magazine Maclean's, M. Crosby a été appelé en renfort pour aider les troupes de M. Harper à se reprendre en main.

Le porte-parole conservateur Kory Teneycke a affirmé que cette collaboration n'avait « rien de nouveau », ajoutant : « Ça fait très longtemps qu'il est avec nous, et il continue à être avec nous. » M. Teneycke a ajouté que M. Crosby ne dirige pas la campagne. Il a toutefois refusé de préciser quelles sont ses responsabilités.

Une approche controversée

Lynton Crosby a aidé d'autres campagnes de politiciens conservateurs à travers le monde, notamment en Australie et au Royaume-Uni.

Son approche a parfois soulevé la controverse dans le passé, notamment lorsqu'il aurait dit que « les musulmans [pouvaient] aller se faire foutre », alors qu'il dirigeait la campagne à la mairie de Londres de Boris Johnson. Il exprimait ainsi son intention de concentrer la campagne sur une tranche différente de l'électorat.

Au terme des dernières élections britanniques, le Guardian de Londres l'a décrit comme « l'homme qui a vraiment gagné les élections pour les conservateurs ».

L'embauche est autorisée par le commissaire

Le commissaire aux élections fédérales, qui surveille de manière indépendante l'application de la loi électorale, affirme que le Parti conservateur n'est pas dans le tort en embauchant un conseiller australien aux pratiques controversées.

La Loi électorale du Canada édicte qu'il est illégal pour quiconque n'est pas un citoyen canadien ou un résident permanent «d'inciter de quelque manière des électeurs, pendant la période électorale, à voter ou à s'abstenir de voter» pour un candidat ou un autre.

Or, a indiqué une porte-parole du commissaire, conseiller un parti ou travailler pour une campagne n'est pas considérée comme de l'incitation.

Les conservateurs ont confirmé jeudi que Lynton Crosby collaborait avec leur parti depuis le mois de mars, surtout pour de l'analyse de sondages.

M. Crosby, surnommé le «Magicien d'Oz», a mené l'ancien premier ministre australien John Howard vers la victoire dans quatre élections de suite et il a aussi aidé le premier ministre britannique David Cameron à remporter ses élections en mai dernier.

Mais il reçoit d'autres surnoms moins flatteurs. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) tente d'ailleurs de montrer le côté sombre de sa réputation pour faire peur aux donateurs conservateurs. Dans un courriel de levée de fonds envoyé vendredi, le NPD compare l'homme à un «génie diabolique» de l'extrême droite.

Selon l'avocat et analyste politique australien Greg Barns, le fait d'embaucher Lynton Crosby signifie que Stephen Harper est désespéré.

«Pourquoi?, a-t-il écrit à La Presse Canadienne. Parce que M. Crosby n'a qu'une seule stratégie: les campagnes de peur. Il vise les électeurs inquiets, par exemple sur les questions raciales.»

M. Barns prédit que le conseiller tentera de dépeindre les chefs néo-démocrate et libéral comme «laxistes sur l'immigration et le crime».

Il n'a pas été possible de recueillir les réactions de Lynton Crosby.

Le cofondateur de l'organisme Démocratie en surveillance, Duff Conacher, est déçu que le commissaire ait «choisi de ne pas appliquer la loi sur les élections fédérales en ignorant l'intention et l'esprit des mesures prévues par la loi».

La section de la loi qui aborde l'incitation au vote souligne explicitement qu'un étranger ne peut, «de quelque manière», tenter de s'ingérer dans la campagne, a-t-il souligné.

Les conservateurs de M. Harper font appel aux services des stratèges de l'ancien premier ministre australien John Howard depuis 2006. Le NPD et le Parti libéral ont tous deux déjà bénéficié des conseils des employés du président américain Barack Obama.

- Avec La Presse Canadienne