Justin Trudeau choisit la manière douce; Thomas Mulcair lève le ton. Stephen Harper ne se laisse convaincre ni par l'un ni par l'autre.

Les chefs libéral et néo-démocrate veulent voir M. Harper changer sa politique sur l'accueil de réfugiés syriens.

La crise qui secoue l'Europe depuis des mois et qui a rattrapé le Canada cette semaine alimentait encore les échanges au 34e jour de la campagne électorale, vendredi.

«Nous avons besoin d'une volonté politique qui va nous permettre, en tant que pays, d'aider. On a vu que c'est possible ailleurs, en Angleterre. J'implore le gouvernement actuel d'en faire plus dans l'immédiat pour répondre à cette crise, à cette catastrophe humanitaire», a plaidé le chef libéral qui voudrait que le Canada accueille 25 000 réfugiés syriens tout de suite.

M. Harper a maintenu que son offre d'accueillir 10 000 réfugiés syriens au cours des quatre prochaines années suffit. Et il n'a manifesté aucune intention d'accélérer le processus d'accueil de ces réfugiés qui doivent, en bonne partie, compter sur des parrainages privés.

Le chef néo-démocrate a préféré la manière forte à la prière. Il a rabroué M. Harper pour son manque de volonté politique dans ce dossier. Le NPD voudrait accélérer l'accueil de 10 000 réfugiés syriens.

«M. Harper est en train de choisir ses faits», a accusé M. Mulcair, tout en disant vouloir éviter de faire de ce dossier un enjeu partisan.

Il en avait contre les déclarations de jeudi du chef conservateur alors que M. Harper liait la crise actuelle des réfugiés à la lutte contre le groupe État islamique (EI) même si les Syriens fuient leur pays par milliers depuis le début d'une insurrection contre Bachar el-Assad, avant l'émergence de l'EI.

«Aucune action militaire n'aurait pu sauver cet enfant sur cette plage», a tranché M. Mulcair qui veut que cesse la participation canadienne aux bombardements aériens contre l'EI en Irak et en Syrie.

«Le problème, c'est que le Canada peut faire plus, mais M. Harper, de toute évidence, avec ces réponses-là, est en train de signaler que ce n'est pas son intention et c'est fort regrettable», s'est-il désolé.

Vendredi, M. Harper, de passage à Whitehorse, en rajoutait.

«La position du NPD (...) qu'on doit ignorer le meurtre, le viol, la torture qui continuent dans ces pays et qu'on ne doit rien faire. C'est incroyable! Et ce n'est pas une politique canadienne. Ce n'est pas une politique responsable», a-t-il tonné.

«Il y a des dizaines de millions de réfugiés. Vous ne pouvez pas régler le problème en adoptant seulement une politique sur (l'accueil des) réfugiés», a-t-il répété.

En restant sur ses positions, le chef conservateur fait aussi la sourde oreille aux appels du chef bloquiste, de la leader du Parti vert et du maire de Montréal.

Gilles Duceppe a demandé au gouvernement canadien d'accueillir 10 000 réfugiés syriens «le plus vite possible» et de réévaluer ce nombre, par la suite, si nécessaire.

Elizabeth May et Denis Coderre se sont rencontrés à Montréal, vendredi. Tous deux ont réclamé qu'on simplifie et qu'on accélère l'accès au Canada des réfugiés syriens.

Et la campagne continue

Par ailleurs, les chefs en campagne ont dû réagir à l'augmentation du taux de chômage qui, au mois d'août, a atteint les 7%, une augmentation de 0,2 point de pourcentage.

M. Mulcair y a vu une preuve de plus que le plan économique conservateur ne fonctionne pas.

M. Harper s'est concentré sur la création de 12 000 emplois en août pour se féliciter.

M. Trudeau, qui, à Richmond Hill, en Ontario, a promis 20 milliards $ en 10 ans pour le transport en commun, a répété que son plan d'investissement en infrastructures n'est pas une réaction aux nouvelles économiques des derniers mois, mais bien une réponse à l'absence de croissance de l'économie au cours des 10 dernières années sous un gouvernement conservateur.

Leurs attaques contre les conservateurs n'ont pas empêché MM. Mulcair et Trudeau de s'échanger quelques critiques aussi.

Ainsi, comme il passait à Brossard, vendredi matin, le chef néo-démocrate a répondu à la promesse libérale de la veille, faite au même endroit, de ne pas imposer un péage sur le nouveau pont Champlain. M. Mulcair a rappelé que son parti a fait cette promesse depuis belle lurette et laissé entendre qu'on ne peut pas se fier à des promesses électorales libérales.

Le chef libéral, lui, a affirmé que les promesses électorales du NPD ne sont que «mirage» et que les néo-démocrates ne pourront rien offrir aux villes en financement d'infrastructures.

Joe Clark dit que le Canada peut faire plus pour aider les réfugiés syriens

L'ancien premier ministre Joe Clark croit que les autorités canadiennes peuvent surmonter les obstacles pour accélérer l'arrivée au pays de réfugiés syriens, de la même manière que son gouvernement a pu ramener en avion les réfugiés de la mer vietnamiens après être entré en fonction en 1979.

«Nous avons la capacité de faire plus... je crois que tout le monde reconnaît cela et nous avons une tradition de faire plus», a-t-il déclaré lors d'une entrevue téléphonique accordée de sa maison d'Ottawa.

Les fonctionnaires canadiens sont capables d'évaluer les possibles risques de sécurité parmi les réfugiés syriens, a dit M. Clark, comme ils l'ont fait lorsque son gouvernement a envoyé des équipes de responsables traiter des milliers de demandes faites par des Vietnamiens vivant dans des camps surpeuplés.

M. Clark a déclaré que son gouvernement avait étendu les politiques mises en place par un gouvernement libéral précédent pour venir en aide directement aux réfugiés d'Indochine qui avaient fui à bord d'embarcations de fortune après que les communistes eurent pris le contrôle d'Hanoï.

Il a souligné qu'à l'époque, son cabinet était inquiet que certains demandeurs d'asile puissent être d'anciens responsables communistes qui auraient pu représenter des risques pour le Canada, mais il a réalisé que les fonctionnaires étaient capables de faire le tri parmi les demandeurs.

«La possibilité que certains (des réfugiés syriens) ne soient pas qui ils prétendent être ne devrait pas du tout nous dissuader de procéder avec une stratégie très vigoureuse, visant à identifier les gens et à les amener ici rapidement», a ajouté M. Clark.

Avec des directives solides du cabinet fédéral, M. Clark soutient qu'il est possible d'envoyer des responsables canadiens dans des camps de réfugiés des Nations unies, où ils peuvent rencontrer directement les demandeurs du statut de réfugié et les interviewer.

«Nous avons une capacité extraordinaire d'accueillir des réfugiés», a ajouté l'ancien premier ministre.

M. Clark a dit espérer que la photo d'un bambin syrien, Alan Kurdi, dont le corps échoué a été retrouvé sur une plage turque cette semaine, mène à un mouvement similaire à celui qui a incité son gouvernement à aider 60 000 demandeurs de statut de réfugié en provenance d'Indochine.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement fédéral a traité les demandes des Syriens par son système existant en coopération avec les agences des Nations unies qui s'occupent des camps de réfugiés de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Le ministre de l'Immigration, Chris Alexander, a déclaré que le Canada allait accueillir 10 000 réfugiés syriens au cours des trois prochaines années en réponse à un appel mondial du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés de relocaliser quelque 100 000 réfugiés à travers le monde.

Le premier ministre Stephen Harper a aussi dit que le Canada devait poursuivre ses efforts militaires en fournissant des avions de chasse et des soldats des unités spéciales pour combattre le groupe armé État islamique (EI) et protéger les Kurdes syriens dans leurs territoires.

Mais Ron Atkey, qui était le ministre de l'Immigration de Joe Clark, souligne que les systèmes existants pour les Syriens n'égalent pas la réponse canadienne apportée lors de crises précédentes.

«Vous envoyez une demande à Ottawa et ils prennent un an pour la traiter. Ces gens sont dans des camps en Jordanie et en Turquie et ils ne vont peut-être pas passer à travers», a-t-il dit lors d'une entrevue téléphonique.

Selon M. Atkey, MM. Harper et Alexander doivent prendre en considération le fait que les Canadiens sont ouverts à nouveau à aider une population désespérée.

«Je crois que les Canadiens sont peut-être en train de lui (Harper) envoyer un message selon lequel nous pouvons faire plus... cela nécessite une réorientation de la politique.»