Au premier jour d'une longue campagne électorale, Stephen Harper a commencé son opération charme au Québec avec un accueil hostile, hier, dans la circonscription montréalaise de Mont-Royal. Un groupe de manifestants attendait le chef du Parti conservateur (PC), qui a tenté de convaincre les électeurs que ce château fort libéral doit passer au bleu.

«Il ne manque qu'une chose à Montréal: des députés conservateurs!», a lancé Stephen Harper dans la salle bondée du centre communautaire juif Ben Weider, où il a convoqué médias et partisans conservateurs à la dernière minute.

Une cinquantaine de manifestants attendaient l'arrivée du premier ministre sortant, et la tension a rapidement monté entre les protestataires et la garde rapprochée de M. Harper, si bien qu'un jeune homme a été arrêté pour avoir proféré des menaces. Plus tard, une membre du groupe Femen a été interpellée, puis relâchée.

Le candidat conservateur dans Mont-Royal, l'ancien chef du parti anglophone Égalité Robert Libman, a pris la parole le premier. «Cette élection est à propos du leadership. Nous vivons dans un monde volatil et imprévisible», a-t-il déclaré. L'architecte de formation est devant un défi de taille: les électeurs de Mont-Royal choisissent des candidats libéraux depuis 1940.

Un discours québécois

Après le député sortant de Roberval-Lac-Saint-Jean Denis Lebel, M. Harper a entamé un discours tournant autour des thèmes chers aux conservateurs, à savoir l'économie, la sécurité, la famille et le soutien à Israël.

«Pour nous, conservateurs, le nationalisme québécois - nationalisme qui ne débouche pas sur la séparation - n'est pas une menace. C'est l'expression d'une profonde fierté dans notre passé et d'une solide confiance dans notre avenir», a aussi déclaré Stephen Harper, dans une importante partie de son allocution consacrée aux électeurs québécois.

«C'est le temps de remettre le Québec au pouvoir dans toute sa force et toute sa fierté», a-t-il plaidé plus tard, avant d'insister sur l'importance, pour son parti, d'obtenir une nouvelle majorité aux Communes.

Le premier ministre sortant a également avancé qu'il était préférable de choisir la continuité en matière d'économie lors des élections du 19 octobre. Un quatrième mandat conservateur permettrait de ne pas mettre en péril les progrès enregistrés depuis la débâcle économique de 2008 et de bien contrer la menace terroriste qui persiste, a-t-il plaidé, en faisant référence aux attentats du 22 octobre au Parlement.

Confier le pouvoir à un autre parti comme le Nouveau Parti démocratique (NPD) ou le Parti libéral, qui prônent notamment des programmes coûteux et une hausse du fardeau fiscal, serait un pari «dangereux» alors que l'économie mondiale demeure fragile, a-t-il insisté.

Justin Trudeau n'est pas prêt à gouverner un pays, a-t-il aussi lancé, en appelant le chef libéral par son prénom. «Le NPD propose une idéologie socialiste et protectionniste», a-t-il ajouté.

Une campagne coûteuse

Avant de se rendre à Montréal, Stephen Harper a été contraint de justifier sa décision de forcer la tenue d'une campagne électorale de 11 semaines - du jamais-vu depuis 1872. À tour de rôle, le NPD, le Parti libéral, le Bloc québécois et le Parti vert ont accusé le premier ministre de vouloir utiliser les coffres bien garnis de son parti pour se maintenir au pouvoir, les autres formations politiques n'ayant pas les mêmes moyens financiers.

M. Harper a rétorqué que tous les partis politiques font campagne depuis plusieurs semaines déjà. Le déclenchement des élections fera en sorte que les partis seront soumis aux mêmes règles du jeu, a-t-il dit.

«L'élection est déjà commencée. [...] C'est essentiel que tous les partis respectent les règles et que nous utilisions nos propres fonds, pas des fonds parlementaires, pas des fonds gouvernementaux, mais des fonds des partis eux-mêmes. Et si je commençais ma campagne sans déclencher une élection, tout le monde me critiquerait de toute façon. Je fais la chose correcte et appropriée», a-t-il dit.

En campagne, les partis ont le droit de dépenser 675 000$ par jour. Environ la moitié de cette somme sera remboursée par Élections Canada au terme de la campagne.

«C'est une campagne qui va coûter cher, vous avez raison de le dire», a reconnu le député de la Beauce Maxime Bernier. «C'est la démocratie, nous allons avoir un bon débat avec les partis d'opposition et les Québécois.»

Accompagné de sa femme Laureen Harper et de ses enfants Ben et Rachel, le premier ministre a aussi affirmé que la longue campagne électorale qui s'amorce permettra aux Canadiens d'évaluer convenablement les choix qui s'offrent à eux.

«Ces élections vont déterminer qui va protéger notre économie, en une période d'instabilité mondiale continue, et qui va assurer la prospérité future du Canada», a évalué Stephen Harper. «Ces élections vont déterminer qui est le mieux placé pour prendre des décisions difficiles afin d'assurer la sécurité de notre pays. Une élection nationale n'est pas un concours de popularité.»