«Maman, pourquoi je suis expulsé? Est-ce que mes amis vont encore m'inviter à leurs fêtes?»

Depuis jeudi, Aïssatou Gueye avoue avoir bien du mal à répondre aux questions crève-coeur de son fils Amadou.

Comme lui, une vingtaine d'écoliers ont appris le jour de la rentrée leur renvoi de l'école primaire Lambert-Closse, située dans le Mile End.

La direction de l'établissement invoque un nombre trop élevé d'élèves et l'obligation de donner la priorité à ceux qui habitent le quartier.

Les enfants touchés par cette mesure sont inscrits en «libre choix», ce qui signifie que les parents choisissent leur école selon leurs préférences et différentes raisons, même si elle est située en dehors de leur zone scolaire. Pour Mme Gueye, qui réside sur le Plateau Mont-Royal, l'école Lambert-Closse est située tout près de son travail, ce qui lui simplifiait la vie.

Dans sa politique d'admission, la Commission scolaire de Montréal mentionne malgré tout, noir sur blanc, admettre en priorité les élèves résidant sur le territoire, défini notamment par des codes postaux.

Mais au-delà des règles d'admission, les enfants touchés vivent ces chambardements à la dure et voient tout leur petit monde s'écrouler. «Mon fils est là depuis la maternelle. Il est attaché à cette école, ses amis. Il est très déprimé, c'est pour lui un choc psychologique», déplore Mme Gueye.

La direction de Lambert-Closse l'a invitée à inscrire son fils à l'école Saint-Pierre-Claver, située plus près de chez elle, sur le boulevard Saint-Joseph. «J'ai appelé et la secrétaire m'a dit: "Oupelaille! Je ne suis pas sûre qu'on a de la place"», raconte, désemparée, Mme Gueye.

La mère de famille peste contre la Commission scolaire de Montréal et l'accuse de nuire au développement scolaire de son fils. «Ça fait cinq ans qu'il est en relation avec les mêmes enfants. Même chose pour les parents. Et après, on s'étonne du taux de décrochage scolaire!», lance-t-elle en colère.

Randall Ascui et son fils Malik, inscrit en 4e année, vivent aussi le choc de ce déracinement. L'écolier se préparait à vivre sa sixième rentrée à Lambert-Closse lorsque le couperet est tombé. «Malik était là depuis la prématernelle et il a continué à y aller après notre déménagement dans la Petite-Patrie, à environ 1 kilomètre de là», raconte M. Ascui, forcé hier d'inscrire en catastrophe son fils à l'école de son quartier.

«Malik est en état de choc en ce moment. Il quitte des amis qu'il connaît depuis toujours. C'est toute sa vie...», soupire le père.

Près de 150 élèves touchés

La commission scolaire déplore la situation vécue par les familles de Lambert-Closse, même si elle n'est pas exceptionnelle. «Ça se passe dans plusieurs écoles à chaque rentrée scolaire. Cette année, 143 élèves en "libre choix" sont retournés dans leur école de quartier», souligne le porte-parole Alain Perron. Il ajoute que les parents qui inscrivent leurs enfants en «libre choix» sont dûment informés qu'un tel scénario est probable et doivent en assumer le risque. «Ils apprennent hélas! la nouvelle le jour même parce que, malgré les meilleures prévisions possible, on ne sait jamais le nombre d'élèves qui se présentent à la porte avant la rentrée», explique M. Perron.

Malgré une vaste campagne menée auprès des parents, plusieurs ne signalent pas leur déménagement, ce qui cause de mauvaises surprises au premier jour d'école, ajoute Alain Perron. «Nos écoles sont tellement bondées qu'on a moins de marge de manoeuvre.»