La commission Charbonneau a durement ébranlé la crédibilité et la probité de l'ingénieur Robert Marcil, hier, en reliant un luxueux voyage en Italie que lui a payé l'entrepreneur Joe Borsellino et un contrat de plus de 5 millions obtenu sans appel d'offres un an plus tôt par la firme de ce dernier, Construction Garnier.

Robert Marcil, qui était à l'époque directeur du service de la réalisation des travaux de la Ville de Montréal, a également eu beaucoup de difficulté à justifier les nombreux appels téléphoniques à M. Borsellino dans les jours qui ont précédé, ou suivi, l'attribution de ce contrat, en juillet 2007, après l'affaissement d'une portion de la rue Sherbrooke.

Bien que son service ait été consulté dans la préparation de ce dossier, M. Marcil ne jouait pas de rôle actif dans la gestion de ces travaux, qui incombaient à la direction des eaux de la Ville de Montréal. La surveillance du chantier avait été confiée au Regroupement CGT, composé de trois firmes de génie-conseil: Cima", Genivar et Tecsult.

Or, selon un registre des appels échangés par MM. Marcil et Borsellino, rendu public par la Commission, le haut fonctionnaire de la Ville aurait contacté le président de Garnier à quatre reprises entre le 4 juillet 2007 - quand les autorités municipales ont décidé de passer outre à un appel d'offres - et le 11 juillet - lorsque le contrat a été attribué à Garnier.

Ce jour-là, d'ailleurs, M. Marcil a joint personnellement Joe Borsellino à 7h38, selon le registre de ses appels.

Était-ce pour confirmer qu'il aurait le contrat?, lui a demandé le procureur de la commission, Me Denis Gallant.

«J'ai dû lui parler effectivement, a reconnu M. Marcil. La discussion que j'ai pu avoir, à ce moment-là, c'était probablement par rapport à la problématique qu'on avait, l'expertise qu'on avait besoin, l'équipement dont on avait besoin, la méthodologie du travail.»

Dans les trois semaines qui ont suivi, M. Marcil a aussi appelé M. Borsellino pas moins de 15 fois.

«Est-il exact de dire que M. Borsellino, c'est un de vos chums à cette époque-là?», lui a alors demandé Me Gallant.

«Absolument pas», a affirmé M. Marcil.

10 jours en première classe

Le contrat, terminé en février 2008, a finalement coûté plus de 5,2 millions à la Ville de Montréal. C'est M. Marcil qui a recommandé l'approbation des paiements finaux, en août de la même année.

Deux mois plus tard, il s'est envolé pour Rome avec M. Borsellino, Jocelyn Dupuis, ancien directeur de la FTQ-Construction, et l'ingénieur Yves Lortie, vice-président de Genivar - une firme membre du Regroupement CGT. Les quatre hommes étaient accompagnés de leur conjointe pour un voyage de 10 jours en première classe: chambres d'hôtel à 700$ la nuit et grands restaurants, ainsi qu'un séjour à Florence avec aller-retour en TGV.

Joe Borsellino a assumé la facture: plus de 50 000$.

M. Marcil s'est défendu en affirmant qu'il avait planifié un tel voyage avec M. Lortie, un ami personnel. Au début de l'été 2008, M. Lortie lui aurait appris que Joe Borsellino aimerait être du voyage.

M. Marcil a payé lui-même ses billets d'avion.

«Je m'attendais [à ce] que, rendu sur place, je [paie] mes frais d'hôtel et de séjour, a-t-il dit hier à la Commission. Le deuxième matin, quand on est parti de l'hôtel, M. Borsellino m'a dit qu'il avait réglé les choses.»

Il affirme qu'il a insisté pour le rembourser, «mais M. Borsellino ne voulait pas».

La présidente de la Commission, la juge France Charbonneau, a alors dit: «Vous êtes-vous battu longtemps pour payer?»