Un mystérieux dépôt en argent comptant, plusieurs plaintes de menaces : l'entrepreneur Joe Borsellino s'est mis sur la défensive mercredi devant la commission Charbonneau.

Le président de Construction Garnier a été incapable d'expliquer pourquoi une importante somme en argent comptant a été déposée sur le compte bancaire d'une de ses compagnies. Le 25 octobre 2004, un dépôt de très exactement 1 824 218,04$ a été effectué à une succursale de la Banque Nationale, au 600 rue de la Gauchetière. «Je m'en souviens pas», a d'abord répondu l'entrepreneur avant de tout nier. «Non, jamais.»

Comme plusieurs fois ce matin, le procureur responsable de l'interrogatoire, Me Simon Tremblay, n'a pas expliqué l'importance de ce dépôt. Le simple fait qu'il l'ait mentionné permet toutefois de comprendre que la question risque de refaire à nouveau surface.

La Commission est aussi longuement revenue sur des menaces que divers entrepreneurs auraient reçues de la part de Joe Borsellino. Le président de Garnier a catégoriquement nié avoir intimidé le promoteur David Owen pour qu'il se retire d'un projet immobilier.

Même démenti pour les affirmations de Michel Leclerc, de Terramex. Durant son témoignage devant la Commission, l'entrepreneur avait affirmé avoir été intimidé lors de l'appel d'offres pour refaire la Place Jacques-Cartier, tout juste en face de l'hôtel de ville de Montréal.

Joe Borsellino a confirmé avoir placé un véhicule lettré aux couleurs de sa compagnie en face du lieu où les soumissions devaient être déposées. Il assure qu'il ne s'agissait pas d'intimidation, mais simplement de s'assurer que Terramex comptait bien déposer une soumission. En l'absence de ce rival, Borsellino dit qu'il aurait déposé une offre plus élevée.

La juge Charbonneau n'a pas avalé les dénégations de Borsellino et l'a talonné pendant de longues minutes sur le sujet. L'entrepreneur a fini par se contredire. Pressé de questions, il a indiqué que le contrat de la Place Jacques-Cartier n'avait fait l'objet d'aucune collusion. Or quelques minutes plus tôt il avait affirmé exactement le contraire.

Un voyage en cadeau ?

Le procureur de la commission Charbonneau, Me Simon Tremblay, s'est également affairé ce matin à tenter de démontrer que l'entrepreneur Joe Borsellino a offert un voyage en Italie à l'ex-directeur des travaux publics de Robert Marcil pour le remercier de lui avoir confié un important contrat. Le président de Garnier nie fermement, assurant l'avoir invité simplement pour soigner ses relations avec la Ville.

Construction Garnier a obtenu en 2007, sans appel d'offres, un contrat de 5,5 m$ pour effectuer des réparations d'urgence sur un égout de la rue Sherbrooke. La décision de confier ces travaux était appuyée par Robert Marcil.

Me Tremblay a tenté de faire avouer à l'homme d'affaires que le voyage en Italie, ayant coûté 50 000$, était un cadeau en lui exposant les détails colligés lors d'une filature.

Le 15 octobre 2008, des policiers suivent à l'aéroport Montréal-Trudeau Joe Borsellino, l'ex-dg de la FTQ Construction Jocelyn Dupuis, l'ingénieur Yves Lortie, et Robert Marcil, qui s'apprêtent à s'envoler pour l'Italie. L'équipe de filature surprend alors une conversation entre Borsellino et Dupuis.

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> Dupuis : «C'est quoi déjà son nom ?

> Borsellino : «C'est Robert.»

> Dupuis: «Il fait quoi à la Ville ?»

> Borsellino: «Il est directeur des travaux publics, il m'a donné un contrat de 5,5 m$ l'année dernière.»

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Me Tremblay comprend de cette conversation que la présence de Marcil au voyage en Italie est pour remercier Marcil pour le contrat sur la rue Sherbrooke. Borsellino maintient néanmoins qu'il avait des difficultés avec ses relations avec la Ville de Montréal et qu'il avait invité le directeur afin de les améliorer. Pour appuyer ses propos, il a présenté une liste de 10 contrats annulés par Montréal de 2002 à 2008, date du voyage.

Le procureur de la Commission s'est affairé à démonter les explications de Borsellino. Il a démontré que toutes les annulations étaient justifiées et non dues à de mauvaises relations. Un de ces contrats n'a d'ailleurs même pas été offert par Montréal, mais plutôt Vaudreuil-Dorion.

Fait révélateur, la filature décrite par Me Tremblay permet de comprendre également que Jocelyn Dupuis semblait entretenir des liens avec le Hells Angels Normand «Casper» Ouimet. Avant de s'envoler pour l'Italie, l'entrepreneur et l'ex-dirigeant syndical auraient discuté d'une personne alors absente.

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> Dupuis : «C'est le chum à Casper»

> Borsellino : «Casper ?»

> Dupuis: «Ben oui, tsé Normand.»

> Borsellino: «Ah oui.»

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Tous les contrats truqués


Seul aveu compromettant aujourd'hui, Joe Borsellino a reconnu avoir truqué des appels d'offres sans la collaboration de l'ex-fonctionnaire Gilles Surprenant. Il accuse pourtant ce dernier d'avoir été à l'origine de la collusion entre entrepreneurs.



L'entrepreneur a de plus affirmé que tous les appels d'offres étaient truqués à la Ville de Montréal. Même les estimations effectuées pour évaluer le coût des contrats l'étaient. «Ce que je dis, c'est que tout était truqué», a laissé tombé le témoin lorsque confronté par le procureur Me Simon Tremblay.

Le témoignage de Joe Borsellino devrait encore prendre toute la journée. Le prochain témoin devrait être Nicolo Milioto. L'entrepreneur, surnommé «M. Trottoir», est présent depuis hier dans la salle d'audience de la Commission, souriant gaiement aux photographes l'attendant dans le corridor.

PHOTO LA VOIX DE L'EST

Nicolo Milioto, président de la compagnie Mivela Construction inc.