Les jurés chargés de juger Guy Turcotte pour les meurtres de ses enfants ont entrepris leurs délibérations vers 15 h lundi après-midi. Selon les directives que le juge leur a données dans la journée, ils doivent décider entre quatre verdicts.

Ces verdicts sont: coupable de meurtres prémédités, de meurtres non prémédités, d'homicides involontaires, ou non responsable pour cause de troubles mentaux. 

Le juge a donné des indications aux jurés sur le cheminement qu'ils doivent faire pour arriver à se décider. Le verdict doit être unanime, mais les onze jurés n'ont pas besoin d'y arriver exactement de la même manière. 

Guy Turcotte est accusé des meurtres prémédités de ses deux enfants, qu'il a poignardés à de multiples reprises le 20 février 2009. Le drame est survenu dans un contexte de séparation avec sa conjointe, Isabelle Gaston. La poursuite doit prouver sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, a rappelé le juge. M. Turcotte admet avoir posé les gestes, mais il a présenté une défense de non-responsabilité pour cause de troubles mentaux. La défense avait le fardeau de le prouver par «prépondérance de probabilités». 

Ce trouble mental, dans le cas qui nous occupe, est le trouble d'adaptation avec anxiété et humeur dépressive. Les psychiatres qui ont évalué Guy Turcotte s'entendent tous à ce sujet, mais ils ne s'entendent pas sur les conséquences de ce trouble. Ceux de la défense disent que M. Turcotte n'était plus en mesure de juger de la nature et de la qualité de ses actes, alors que celle de la Couronne soutient le contraire. Le jury devra trancher, et pour y arriver, il doit se poser beaucoup de questions, et chercher des réponses uniquement dans la preuve. Le juge leur a remis un «arbre décisionnel», pour les aider à visualiser le cheminement. 

Le jury doit d'abord décider si M. Turcotte souffrait d'un trouble mental au moment des faits. Si oui, il doit ensuite se pencher sur les conséquences. Est-ce que cela l'affectait au point de lui enlever sa capacité de juger de la nature de ses actes ou de savoir que ceux-ci étaient mauvais? 

Méthanol

Le jury doit par ailleurs se questionner sur l'apport de l'intoxication au méthanol dans les agissements de M. Turcotte. Ce dernier a bu du lave-glace pour se suicider. Et il dit que c'est lorsqu'il «s'est vu mort», qu'il a décidé d'amener ses enfants avec lui, pour qu'ils ne le trouvent pas mort le lendemain. Le jury doit se demander si c'est le trouble mental ou l'intoxication qui a engendré son état d'esprit. Est-ce que l'intoxication a eu un effet plus important? Est-ce que M. Turcotte a pris du méthanol avant de tuer ses enfants, ou après? La preuve n'est pas claire à ce sujet. 

Mobile

Le juge a aussi parlé du mobile. La Couronne n'est pas tenue de le prouver, mais dans le cas qui nous occupe, selon la théorie du ministère public, il s'agit d'un acte de vengeance et de colère de la part de l'accusé. Il voulait se suicider, mais ne voulait pas que ses enfants soient élevés par un autre homme, en l'occurrence, Martin Huot, qui était devenu le nouveau conjoint d'Isabelle Gaston. 

La défense soutient pour sa part qu'il n'y avait pas de mobile, que M. Turcotte était un bon père aimant, que son raisonnement était perturbé par le trouble d'adaptation. 

Si le jury exclut la non-responsabilité criminelle, il doit poursuivre ses délibérations pour décider de quoi est coupable M. Turcotte. 

Pour arriver à des verdicts de meurtre au premier degré, la Couronne doit avoir prouvé que l'accusé avait l'intention de tuer les enfants, et qu'il l'a fait de façon délibérée. S'il n'y a pas d'intention, il s'agit d'homicides involontaires. L'intoxication au méthanol pourrait avoir eu une incidence sur l'intention de tuer, a fait valoir le juge. D'un autre côté, s'il y avait intention, mais que cela s'est fait sous l'impulsion du moment, il s'agit de meurtres non prémédités. 

Il est à noter que le jury pourrait décider que M. Turcotte avait une responsabilité atténuée en raison de l'intoxication au méthanol.

Au début de son allocution, le juge a rappelé au jury qu'il ne devait juger que sur la preuve, et qu'il devait suivre les règles de droit qui lui sont dictées. Le juge a mentionné que si lui-même fait une erreur de droit, la Cour d'appel serait là pour corriger. Si le jury fait une erreur de droit, les parties n'auront aucun recours, car les délibérations sont secrètes. 

Le jury est séquestré et restera coupé de contacts avec l'extérieur jusqu'au moment du verdict.