Guy Turcotte n'a pas prémédité de tuer ses enfants «des jours et des semaines» avant le 20 février 2009. La préméditation est plutôt de l'ordre de quelques heures. Il voulait se suicider et ne pouvait supporter que ses enfants grandissent avec un autre homme.

C'est la théorie que le procureur de la Couronne René Verret a soumise au jury, mercredi, en fin de plaidoirie, devant une salle d'audience bondée et figée par l'intensité du moment. Me Verret a demandé aux sept hommes et quatre femmes du jury de déclarer l'accusé coupable des meurtres prémédités de ses deux enfants. 

«Il n'y a pas de temps défini pour établir qu'un meurtre est prémédité, cela dépend des circonstances», a dit le procureur, en précisant que le juge allait l'expliquer plus en détail dans ses directives. 

Courriels

Me Verret croit que l'idée de tuer les enfants s'est manifestée quand M. Turcotte s'est mis à l'ordinateur, en début de soirée, vers 18h28, pour consulter les courriels que Isabelle Gaston avait échangés avec Martin Huot. M.Turcotte a lui-même avoué qu'il souffrait tellement à ce moment, devant cet amour qu'il n'avait jamais connu lui-même, qu'il ne pensait qu'à mourir. Il a ensuite consulté des sites sur la manière de mourir sans souffrance.

M. Turcotte dit n'avoir que des flashs des événements. Ce n'est qu'en se voyant mort, comme au-dessus de son corps (donc après avoir bu du méthanol), qu'il a pensé que les petits allaient le trouver sans vie le lendemain, et qu'il a décidé de les entraîner dans la mort avec lui. 

Cette théorie ne tient pas la route aux yeux de Me Verret, d'autant plus qu'à 20h30, il a appelé chez la gardienne qui devait s'occuper des petits le lendemain: «Mes plans ont changé, je n'aurai plus besoin de vos services», a-t-il dit. Il n'avait donc pas oublié les enfants, propose Me Verret.

Nul ne sait à quelle heure sont morts les enfants. La Couronne, comme la défense, pense que c'est après que Guy Turcotte a parlé avec sa mère au téléphone. Cet appel a duré une heure, et s'est terminé à 21h40. C'était comme une lettre d'adieu de la part de Guy Turcotte. «Un appel très révélateur de ses intentions», a fait valoir Me Verret.

Le procureur pense que M. Turcotte a tué ses enfants avant de boire du méthanol, car il semblait en possession de ses moyens. Les coups donnés aux enfants sont ciblés au thorax et à l'abdomen. Il n'y a pas de vomi dans leur chambre, alors qu'il y en a dans la salle de bain et la chambre de M. Turcotte. Et il y a des preuves qu'il a consommé du lave-glace après, puisque du sang d'Anne-Sophie est trouvé sur un verre et le bidon. 

Me Verret a exposé d'autres éléments de preuve et parlé de témoignages qui, selon lui, appuient sa théorie. Il a fait sa plaidoirie en une journée. Me Pierre Poupart, en défense, a plaidé pendant quatre jours et demi. M. Turcotte a présenté une défense de non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.

Les experts psychiatres amenés par les deux parties admettent que M. Turcotte souffrait d'un trouble d'adaptation. La défense prétend que sont état d'esprit était trop altéré pour apprécier la nature et la conséquence de ses gestes, alors que la Couronne prétend le contraire. Le jury décidera. Les délibérations commenceront lundi prochain, après que le juge aura donné ses directives.