Un mois et demi après avoir tué ses enfants, Guy Turcotte a appelé leur gardienne, Carole Lachance, pour s'excuser de la peine qu'il lui avait faite. Il lui a révélé des bribes de ce qui s'était passé le soir du drame et a assuré à Mme Lachance que s'ils avaient pu se voir la journée fatidique, elle «n'aurait pas pu savoir, elle n'aurait rien pu deviner».

C'est ce que Mme Lachance a raconté, hier, alors qu'elle témoignait au procès de Guy Turcotte. La femme tenait une garderie chez elle au moment des événements. C'est à elle que le couple Turcotte-Gaston avait confié ses enfants dès qu'ils avaient eu 5 ou 6 mois. En février 2009, elle ne gardait plus qu'Anne-Sophie, 3 ans, car Olivier, 5 ans, avait commencé la maternelle.

L'après-midi du 20 février 2009, Guy Turcotte est passé chercher la petite à la garderie, mais Mme Lachance n'y était pas.

Appel

Or, voilà qu'un dimanche soir d'avril 2009, Guy Turcotte lui a téléphoné chez elle pour s'excuser. «Je sais que tu les aimais beaucoup. Tu étais comme une grand-maman pour eux», a-t-il dit. Mme Lachance a manifesté son regret de l'avoir manqué quand il était venu chercher Anne-Sophie, le 20 février. Parfois, une rencontre, des paroles, un événement peuvent changer le cours des choses, a-t-elle fait valoir. C'est là que M. Turcotte lui a dit qu'elle n'aurait rien pu deviner.

M. Turcotte lui a raconté qu'il avait loué des films et acheté du maïs soufflé pour les enfants, le soir fatidique. À un certain moment, il pleurait, assis sur le sofa de la maison qu'il louait depuis sa séparation d'avec Isabelle Gaston. Son fils Olivier était venu le trouver pour le consoler. Il lui avait fait un câlin en lui disant: «Je t'aime, moi, papa.»

«Ça fait 10 ans que je suis malheureux», a poursuivi Guy Turcotte, avant d'ajouter qu'il avait envisagé un scénario semblable, deux ans auparavant. «J'étais sans voix», a dit Mme Lachance.

Questionnée par la défense, Mme Lachance a convenu que M. Turcotte était un bon papa et que c'était «un homme de bien». Elle a aussi admis que M. Turcotte lui avait dit que le soir du drame, il avait «oublié qu'ils [les enfants] étaient là».

Peur

Un peu plus tôt, hier, une voisine qui gardait occasionnellement les enfants, Johanne Leclair, a parlé des échanges qu'elle avait eus avec M. Turcotte, en février 2009, avant le drame. Elle était infirmière à l'hôpital de Saint-Jérôme, où M. Turcotte et Isabelle Gaston travaillaient comme médecins.

Selon Mme Leclair, M. Turcotte parlait de la séparation de façon posée, la première fois qu'elle l'a vu à ce sujet, deux semaines avant le drame. Il cherchait une maison près de celle que Mme Gaston continuait d'habiter. Il voulait faciliter l'accès des enfants aux deux maisons. Il disait aussi qu'il n'aurait pas pu choisir meilleure mère que Mme Gaston pour leurs enfants. Mais au cours d'une autre rencontre, une semaine avant le drame, Mme Leclair a été surprise de la réaction de Guy Turcotte. Il lui a raconté qu'il trouvait difficile de ne pas avoir les enfants. Il était en colère d'avoir été fait cocu. Il avait trouvé Martin Huot (le nouvel amoureux de Mme Gaston) dans la cuisine de son ancienne maison, un matin, et lui avait donné un coup de poing au visage. Il disait que ça lui avait fait du bien. Mme Leclair lui a fait part de son étonnement.

«Il m'a pointée du doigt et il m'a dit: "Tu ne me connais pas!" Ses yeux sont devenus tellement grands! Ce regard-là, je ne le connaissais pas. J'ai reculé, j'ai eu peur», a raconté Mme Leclair. Elle a dit à M. Turcotte qu'il ne pouvait pas faire cela, qu'il allait se retrouver devant la justice, et elle lui a suggéré de canaliser sa colère par d'autres moyens.