Où en est la communauté italienne? Comment évolue et perdure la culture de cette collectivité? À quelques jours de la Semaine italienne de Montréal, La Presse prend le pouls d'une des plus vieilles communautés culturelles du Québec. Au-delà des images toutes faites, allons à la rencontre de ces Montréalais profondément intégrés dans la mosaïque urbaine.

On reconnaît les clichés. Les vieux qui étalent la Gazetta dello Sport sur les tables du Caffè Italia, les fontaines et les briques blanches de Saint-Léonard, la voix singulière d'Elena, experte en passata de la quincaillerie Dante... Sur une note plus sombre, la commission Charbonneau a jeté sur l'italianité montréalaise une sordide image de magouille et de mafia.

Mais en réalité, que sait-on de l'Italie montréalaise en 2013? Et peut-on même parler d'une communauté, alors que les descendants des premiers migrants sont si intégrés qu'on ne remarque même plus leurs noms de famille qui finissent en "i" ou en "a" ? C'est ce que nous avons cherché à comprendre, avec ce dossier consacré à la culture italienne québécoise.

«Aujourd'hui, très peu d'Italiens se voient comme faisant partie d'une communauté", constate l'écrivain Marco Micone, qui attribue cette dissolution du giron «rital " au déclin des institutions et structures d'accueil qui, longtemps, ont été au coeur de la vie italienne à Montréal.

La communauté s'effrite, mais l'italianité demeure, ajoute Bruno Ramirez, spécialiste de l'histoire de l'immigration en Amérique du Nord et auteur de l'ouvrage Les premiers Italiens de Montréal. Dans les rayons de l'épicerie Berchicci, dans l'arrondissement de Saint-Léonard, dans les salles de danse où se réunissent les dames ou dans les immenses mariages, des traces d'une Italie réelle ou fantasmée subsistent, en dépit de l'assimilation et du passage du temps.

«Même si on n'y retrouve plus de résidants italiens, la notion de Petite Italie demeure très forte. Ça devient un référent mental et symbolique très fort, un épicentre pour célébrer la Semaine italienne ou le Grand Prix, par exemple.»

Italiens d'hier, Montréalais d'aujourd'hui

La plupart des jeunes Italiens de seconde ou troisième génération interrogés dans le cadre de ce reportage se disent plus Montréalais qu'Italiens. Mais ils cultivent leur "italianité" grâce à certains repères culturels comme la nourriture ou la musique.

«Ils ont une nostalgie d'une certaine italianité qu'ils connaissent. Ils adoptent tout ce qui semble intéressant: l'art, la bouffe, la mode. Mais il n'y a pas de position idéologique. Même politiquement, il n'y a plus de ligne de parti», observe Pasquale Lacobacci, ancien DG de la Casa d'Italia et du Centre Leonardo Da Vinci.

En réalité, il ne faut pas parler d'une communauté, mais bien de plusieurs cohortes divisées par l'éparpillement géographique et les diverses vagues d'immigration. Laval, Ville-Émard, Rivière-des-Prairies... Italiens anglophones et francophones... Vieux et jeunes... autant de réalités différentes. «Il y a trois ou quatre solitudes dans la communauté italienne, tranche Pascale Lacobacci. Ce n'est pas un bloc monolithique.»

L'apport des Italiens au paysage culturel québécois? «Dans une société diversifiée, il y a de la place pour que chaque communauté puisse ajouter ses couleurs», estime Marco Micone. Certains l'ont fait avec plus de succès que d'autres. Mais pas toujours en jouant la carte italienne. Qu'on pense à Molinari, Marina Orsini, Gino Vannelli, Pag ou Misstress Barbara...

Et la mafia? «Quelques douzaines de personnes sur 300 000, sauf qu'ils sont hypermédiatisés», regrette Marco Micone.

Revisitons donc l'Italie montréalaise. Celle qui a inspiré le Léolo de Lauzon et continue d'ensoleiller les boulevards de Saint-Léonard.