Pas une vente de terrain à des fins industrielles, pas un établissement ou une réimplantation d'entreprise à Laval ne s'est faite sans que l'ex-maire Gilles Vaillancourt se mêle du dossier, et ce, en dépit de l'autonomie dont est censé jouir Laval Technopole dans le développement économique de la municipalité.

«C'était une administration hands on. Il ne se contentait pas de donner des autorisations. Il ne se contentait pas d'accepter des choses. Ce sont des gens qui avaient une proximité entre la décision et l'action. [...] Une approche de propriétaire? L'approche qu'il aurait dû avoir est celle de fiduciaire, soit fiduciaire des biens des citoyens», affirme le PDG de Laval Technopole, Pierre Desroches.

Malgré cette critique formulée la semaine dernière en entrevue à La Presse, M. Desroches reconnaît que son organisme municipal fait du développement économique teinté par la politique et que Gilles Vaillancourt y veillait jusqu'à son départ en novembre dernier. «Moi, j'exécute le plan de développement économique que les politiciens ont en tête. [...] Ils donnent une vision politique», précise-t-il.

Les hommes de confiance

Laval Technopole a beau avoir un statut autonome par rapport à la Ville - il échappe d'ailleurs à la tutelle de la municipalité - et son propre conseil d'administration, l'ancien maire, aujourd'hui accusé de gangstérisme, tirait les ficelles du développement économique et les centaines de millions de dollars d'investissements annuels qui y sont associés (506 millions en 2012). M. Vaillancourt y parvenait à travers ses hommes de confiance.

M. Desroches faisait lui-même partie de l'entourage de Gilles Vaillancourt, à qui il doit sa nomination. Il connaît de longue date la famille Vaillancourt pour avoir habité à Laval-des-Rapides, reconnaît-il. M. Desroches est l'un des fondateurs de la Corporation de développement économique de Laval (CODEL) dont il a été également administrateur. La CODEL a donné naissance à Laval Technopole en 1995. Depuis sept ans, M. Desroches en est le PDG.

Pierre Desroches côtoyait Gilles Vaillancourt dans ses fonctions, mais ne le considère toutefois pas comme un ami. Il affirme d'ailleurs n'avoir eu aucun contact avec lui depuis son départ de l'hôtel de ville. Le principal interlocuteur de Gilles Vaillancourt pour les dossiers économiques était le commissaire industriel et vice-président Développement, Investissement et immobilier de Laval Technopole, Gilbert Leblanc. Qu'une entreprise souhaite acheter un terrain municipal pour y installer son siège social ou souhaite louer un espace de bureaux dans un futur édifice, l'ex-maire était au courant de tout mouvement au sein de Laval Technopole.

M. Leblanc est celui par qui tous les dossiers nécessitant une transaction immobilière passent. Il se rendait régulièrement à l'hôtel de ville pour rencontrer le maire et lui rendre compte de l'avancement des dossiers.

Dans une grande municipalité, il est rare que le maire fasse ainsi de la microgestion et surtout, traverse la ligne entre le politique et l'administratif. Pour le grand patron de Laval Technopole, c'est surtout le fait d'un maire en plein contrôle des dossiers de sa Ville.

M. Desroches était informé de ces va-et-vient à l'hôtel de ville et ne se formalisait pas que son subalterne parle directement au maire. «Ça fait 29 ans que M. Leblanc est là [dans le secteur économique]. Ça fait longtemps qu'il connaît M. Vaillancourt, alors il pouvait prendre ses aises avec lui», estime M. Desroches qui précise que son vice-président bénéficie «d'une grande liberté d'action».

Il a été impossible de parler à M. Leblanc qui est actuellement en vacances.

D'autres canaux d'information

Il semble que Gilles Vaillancourt profitait d'autres canaux d'information. Les affaires juridiques de Laval Technopole sont assurées depuis 1985 par un autre compagnon d'armes, soit l'avocat Pierre Lambert. Me Lambert est l'une des 37 personnes arrêtées dans l'opération policière Honorer, à Laval.

Devant la commission Charbonneau, Pierre Lambert a admis avoir géré la caisse occulte du parti de l'ex-maire, le PRO des Lavallois. Il s'est qualifié de «dépositaire» de l'argent comptant qui provenait des firmes de génie-conseil. Il a d'ailleurs remis la somme de 721 000$ qui restait au lendemain de la dissolution du parti, l'automne dernier.

Par ailleurs, la présidence du conseil d'administration de Laval Technopole est assumée par le vice-président du comité exécutif de la Ville de Laval, Basile Angelopoulos, depuis avril 2011. Lors de son témoignage devant la commission Charbonneau, il a dit que Gilles Vaillancourt contrôlait tout à l'hôtel de ville. Cet avocat-fiscaliste a également reconnu qu'il avait participé au système de prête-nom pour financer le PRO des Lavallois tout en ignorant les termes de la loi.