Le nombre de cellulaires saisis dans les prisons québécoises a littéralement bondi l'an dernier, révèlent des chiffres obtenus par La Presse grâce à la loi sur l'accès à l'information. La présence accrue de téléphones cellulaires inquiète le Syndicat des agents de la paix en milieu correctionnel, puisqu'elle facilite le trafic de drogue entre les murs et met à risque la sécurité des détenus et des gardiens.



En mars 2011, deux vidéos du présumé chef d'un violent gang de rue de l'ouest de Montréal sont découvertes sur le site YouTube. On y voit Jonathan Klor, alors alors âgé de 23 ans, le visage couvert d'un foulard rouge aux couleurs de son gang, lançant des menaces à ses rivaux. Pourtant, Klor est en prison. Mais grâce à un cellulaire illicite, le gangster a réussi à enregistrer et à envoyer les capsules. «En direct de la prison. Ceci n'est pas un jeu. J'ai mon cell dans la cellule. Pas besoin de téléphone public», chante le détenu.

Bien que ce soit strictement interdit, il n'est pas le seul à avoir son propre portable derrière les barreaux. Entre avril 2010 et mars 2011, au moins 113 téléphones portables ont été saisis par des agents dans les prisons provinciales. L'année suivante, le chiffre a grimpé à 247. Un record.

Au ministère de la Sécurité publique, on s'explique mal les raisons de cette hausse fulgurante. «On n'a pas de données scientifiques pour l'expliquer, note le porte-parole Clément Falardeau. Le Ministère a amélioré ses méthodes de dépistage. Ça peut avoir joué, mais ce n'est qu'une hypothèse parmi d'autres», dit-il.

Parmi les gardiens de prison, on montre du doigt le problème de surpopulation dans les prisons. «Il y a tellement de monde que c'est beaucoup plus difficile de voir ce que tout le monde fait», dit le président de leur syndicat, Stéphane Lemaire.

La prison de Bordeaux, par exemple, héberge 1400 détenus. Elle ne compte pourtant que 1000 places. C'est là qu'ont été saisis le plus de cellulaires au cours des dernières années: 125 l'an dernier, 52 l'année précédente. Vient ensuite la prison de Rivière-des-Prairies, aussi surpeuplée.

«C'est un problème aussi grave que la drogue, affirme M. Lemaire. Les téléphones permettent aux détenus de concrétiser leurs transactions de drogue. Ils peuvent communiquer avec l'extérieur et avertir leurs complices des allées et venues des agents, explique-t-il. Comme ils arrivent à faire circuler de l'information qui ne devrait pas circuler, ça peut aussi mettre en danger la sécurité de certains détenus sous protection ou même d'agents.»

Normalement, les détenus n'ont accès qu'à des téléphones publics, et ce, certaines heures de la journée. Ces appareils sont surveillés. «Ceux qui ont des cellulaires gagnent du pouvoir en dedans comme dehors», indique le président de syndicat, qui ajoute que ce sont surtout les membres de gang comme Jonathan Klor qui ont recours à des portables.

Selon M. Lemaire, les téléphones traversent les barreaux par l'entremise des visiteurs ou sont lancés par-dessus les clôtures. Il n'exclut pas que des gardiens complices fassent aussi partie du problème. «Qu'on les trouve, dit-il. Il faut découvrir comment ça entre et déjouer le stratagème rapidement. C'est une question de sécurité.»

- Avec la collaboration de Daniel Renaud et de William Leclerc